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Hector.

Vous m’aimez, et vous ne voulez pas me voir !

Madame de Blossac feignant l’audace.

Ici, non… mais ailleurs.

Hector souriant et s’inclinant.

C’est mieux.

Madame de Blossac.

Hector, pas de fatuité ! ne gâtez pas la seule émotion heureuse de ma vie. C’est avec l’homme que j’aime, que j’appelle, que je rêve depuis tant d’années, que je veux être sincèrement vertueuse ; je serai réellement pour lui ce que je feins d’être pour les autres. Avec vous, Hector, avec vous je serai noble, franche, honnête, digne… ce sera ma volupté.

Hector à part.

Quelle étrange femme ! (Haut.) Eh bien ! quand me permettrez-vous de vous voir et…

Madame de Blossac.

Je dois partir demain soir.

Hector.

Alors, demain… et…

Madame de Blossac.

Demain, à deux heures, je dois aller chez la duchesse de Cleveland, à l’hôtel Wagram.

Hector.

J’y demeure aussi. Mon appartement est une dépendance du sien.

Madame de Blossac.

Je me tromperai de porte… attendez-moi.

Hector.

Vous, chez moi… Et si l’on vous reconnaît ?

Madame de Blossac.

Qui oserait me reconnaître ?

Hector.

Mais si on vous arrête ? si un hasard malheureux prouve…

Madame de Blossac.

Et si cela me plaît, à moi, de risquer en un moment ma réputation pour vous ; si ce grand péril a pour moi de l’attrait, cet attrait de l’abîme qui séduit toutes les ambitions et tous les amours ? Que penserez-vous de ma tendresse ? Que puis-je faire pour vous ? Quelle preuve de dévouement puis-je