ans que je souffre, et je ne veux pas qu’une petite fille qui ne vous connaît pas, qui ne vous aime que par obéissance, m’enlève en riant cet amour qu’elle n’a pas su acheter comme moi par ses larmes, et vienne sans droits me ravir mes droits, car les souffrances sont les droits suprêmes, et souffrir ce que j’ai souffert, c’est mériter !
Eh quoi ! madame… ces quelques mois passés ensemble à Redcastle…
Oh ! vous ne pouviez me deviner.
Comment pouvais-je espérer… un tel… bonheur ? car vraiment je ne sais pourquoi vous m’apprenez cela d’un air si terrible ; vous dites : Je vous aime, comme on dirait : Je vous déteste ; comme si j’allais me fâcher. Non, non, je ne vous en veux pas de m’aimer, je vous pardonne d’avoir souffert si longtemps pour votre humble esclave, et, je vous le déclare, cette fatale nouvelle que vous me donnez pour m’épouvanter me rend très-heureux.
Oh ! je le crois, mais, non pas comme vous le déclarez… Elle m’aime, dites-vous, et pour empêcher mon mariage elle a calomnié Jeanne ; donc, Jeanne est innocente… et c’est cela qui vous rend très-heureux… Vous l’aimez donc bien ?
Moi !… je l’épouse… mon père a imaginé ce mariage. Mademoiselle de Clairmont est charmante, et je m’intéressais à elle comme à une personne aimable et distinguée. Rien de plus ; mais maintenant que j’apprends que c’est par vous qu’elle est compromise… à cause de moi, vous comprenez qu’elle doit m’intéresser encore davantage, et que l’honneur me commande de faire tout ce qui dépendra de moi pour la justifier. Madame de Blossac, je compte sur vous pour m’aider dans cette tâche généreuse ; vous avez fait le mal, réparez-le.
Je le voudrais, mais comment faire ?… L’histoire est malheureusement vraie…
Vraie ! c’est impossible.