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Le Maréchal.

Méchante ! vous m’avez fait peur.

Madame de Blossac.

Mais l’heure passe ! Et si je conduis votre nièce au couvent

Le Maréchal.

Je vais la chercher… convenons vite de nos projets… Nous partirons demain soir… Moi, j’annoncerai mon départ ; vous ne ferez aucuns préparatifs, vous direz que vous allez à la campagne, que vous reviendrez le lendemain… J’irai vous attendre à Vernon, et je vous conduirai… oui, ce sera mieux… chez une de mes amies, une personne à qui j’ai rendu des services. Vous resterez chez elle jusqu’au jour de notre mariage ; c’est là que j’irai vous faire ma cour, pas longtemps, je l’espère.

Madame de Blossac troublée.

Il me semble que je rêve ! Ce bonheur inespéré… après tant d’années de solitude et d’ennui, tout à coup cette joie ! oh ! c’est trop pour moi ! Pardonnez cette émotion, je n’en suis plus maîtresse… Oh ! comme je vais vous aimer !…

(Elle pleure.)
Le Maréchal.

Virginie !… quel beau jour !… Et moi qui suis venu ici le cœur désolé ! Quelle puissance avez-vous donc ?

Madame de Blossac.

Partez vite, j’entends marcher, et si l’on vous voyait on devinerait la cause de mon trouble. (Très-tendrement.) Partez donc. (Le maréchal sort et oublie sa canne.) Monsieur le maréchal, eh bien ! et votre canne que vous oubliez.

Le Maréchal souriant.

Vous m’avez tellement rajeuni, que j’oublie ma béquille.

Madame de Blossac.

Et vos gants !… Mais vous êtes un étourdi.

Le Maréchal.

Je suis un homme heureux… (Il lui prend la main et veut lui donner un baiser sur le front ; madame de Blossac le repousse, il lui baise la main.) Ah ! que j’ai hâte de revenir !

(Il sort. Madame de Blossac le reconduit tendrement. Elle regarde s’il est bien parti, puis revient sur le devant de la scène.)