Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 6.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Madame de Blossac.

Oh ! bien dévouée ! Vous avez raison de le penser. Mais ce serait démentir ce dévouement que d’en abuser pour vous entraîner à une folie, vous dis-je, que le monde ne vous pardonnerait pas.

Le Maréchal.

Mais…

Madame de Blossac riant.

Moi, je ne l’approuverais pas… Non, ce serait un mariage détestable ; moi, je ne vous donnerais pas mon consentement… Songez donc que je n’ai rien, que je ne suis rien… Ah ! ma raison se trouble… lui, m’épouser !… Ah ! j’en ris… lui… un maréchal de France ? C’est une idée absurde… une idée extravagante… Mais, c’est égal, je suis bien heureuse qu’il ait eu cette idée-là. Ah !…

(Émotion violente qu’elle feint de modérer.)
Le Maréchal.

Et pourquoi est-ce impossible ?… Sans doute… si vous ne m’aimez pas…

Madame de Blossac avec un regard pudique et tendre.

Ah ! ce n’est pas là l’obstacle !

Le Maréchal enchanté.

Alors, qui vous inquiète ?

Madame de Blossac.

C’est impossible, vous dis-je, parce que je ne vous conviens pas. Moi, je hais le monde ; toutes ses vanités me fatiguent, ses plaisirs m’ennuient… Si vous me disiez : « Nous irons vivre tout seuls à la campagne avec notre amour… » je répondrais : « Partons tout de suite, je suis à vous pour la vie. »

Le Maréchal vivement.

Eh bien, partons ! Cette existence solitaire est celle que je rêve. Nous irons où vous voudrez. J’ai là-bas un vieux château qui sera de votre goût, j’en suis sûr. Nous nous marierons là… en cachette… Nous y vivrons l’un pour l’autre, loin de tous les yeux, dites ? Ce n’est plus le grand monde cela, le bruit qui vous effraye ; c’est la retraite dans un lieu charmant avec un malheureux qui vous aime et qui oubliera tous ses chagrins près de vous.