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Madame de Blossac souriant et avec trouble.

Non. Expliquez-vous, je tâcherai de ne pas me fâcher.

Le Maréchal à part.

Elle ne devine rien ; elle n’en a pas la moindre idée, et cependant elle m’aime.

Madame de Blossac.

Vous réfléchissez ; c’est donc bien difficile à exprimer ?

Le Maréchal.

Assez… Mais avec un peu d’adresse…

Madame de Blossac.

Un profond diplomate doit savoir faire tout adopter.

Le Maréchal.

Eh bien ! votre beau projet m’en a fait inventer un autre.

Madame de Blossac.

Un autre ?

Le Maréchal.

Un autre qui… est… le même…

Madame de Blossac.

Oh ! ce n’est pas clair, cela : un autre qui est le même. Je m’y perds ; c’est par trop diplomatique.

Le Maréchal.

C’est-à-dire le vôtre avec un changement. Vous m’avez si bien vanté les douceurs du mariage, que vous m’avez persuadé ; je suis ennuyé de mon isolement et je pense à me marier… Mais ce n’est pas mademoiselle de Matignon que je veux épouser ; c’est une personne dont l’âge et les goûts sont plus en rapport avec les miens, une personne que j’aime depuis longtemps et à qui je crois un peu d’affection pour moi… Devinez-vous ?

Madame de Blossac très-émue et avec une dignité triste.

Non, monsieur le maréchal.

Le Maréchal.

Je vous dirai à mon tour, c’est que vous ne voulez pas. Vous cherchez un prétexte.

Madame de Blossac très-troublée.

Ce que je devine est une folie.

Le Maréchal.

Une folie de vous aimer !… de vouloir pour sa femme la plus noble, la plus charitable créature de Dieu, un ange de bonté, ma consolatrice, mon amie dévouée !