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des soins empressés de tous les jours, dans cet intérêt de la famille… de l’ambition même, car pour vos enfants vous redeviendriez ambitieux, je vous connais ; c’est dans cette existence nouvelle et pleine d’avenir que vous pourrez retrouver le bonheur… C’est dans votre intérêt que je vous conseille et non pas dans le mien. Franchement, pour moi, pour votre humble voisine, il vaut bien mieux que vous restiez libre. Quand vous êtes seul, elle peut aller à vous ; quand vous souffrez, elle peut vous soigner tendrement ; si vous étiez avec une belle jeune femme, elle n’oserait plus vous importuner ; elle aurait toujours le même désir de vous donner tous ses soins, mais elle n’en aurait plus le droit… vous ne seriez plus seul. C’est triste à dire, mais mon intérêt à moi, c’est que vous soyez très-abandonné et très-malheureux, parce qu’alors vous m’appartenez ; vous avez besoin de moi, vous vous dites quelquefois : « Où est-elle ? » N’est-ce pas ?… Vous voyez donc bien, monsieur le maréchal, que vous avez grand tort de m’en vouloir, lorsque par amour pour vous j’ai le courage de vous conseiller une chose qui me ferait tant de peine… Allez, vous devriez me savoir gré de cet effort que je m’impose, il est cruel ; pour se sacrifier comme je le fais… il faut bien vous aimer !

Le Maréchal très-attendri.

Mais on pourrait m’aimer sans se sacrifier.

Madame de Blossac.

Je ne demande pas mieux. Mais que deviendrez-vous dans cette solitude, si vous ne prenez un parti ?… (Souriant.) Moi, je ne peux pourtant pas toujours être là !

Le Maréchal lui prenant la main.

Pourquoi pas ?

Madame de Blossac se levant et retirant sa main.

Monsieur le maréchal !

Le Maréchal se levant aussi.

Qu’imaginez-vous donc que je veuille dire ?… Je connais vos principes, Virginie, et je ne veux rien vous proposer qui ne soit digne de vous. Vous me comprenez mal…

Madame de Blossac souriant.

Je ne comprends pas du tout.

Le Maréchal.

Ce n’est pas faute d’intelligence, c’est mauvaise volonté.