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contrerais une belle et noble jeune fille, bien élevée, riche, et… je la demanderais en mariage.

Le Maréchal piqué.

Ah ! vous voulez me marier ?… (À part.) Des Tourbières se trompait…

(Il s’assied à gauche.)
Madame de Blossac l’observant.

Oui, il n’y a qu’un bon mariage qui puisse vous faire oublier cette honteuse histoire et recomposer votre avenir. Les enfants de votre sœur vous déshonorent et vous font rougir ; eh bien ! il faut que vous ayez des enfants à vous, dont vous soyez fier et qui vous ressemblent… Je vous fâche, mais pardonnez-moi, je dis brutalement les choses, je ne sais pas farder mes sentiments, je suis comme ça… Songez-y donc : quelle différence pour vous, si demain vous étiez marié, si vous aviez épousé… mademoiselle de Matignon, par exemple ! Elle est charmante.

Le Maréchal.

Mais vous n’y pensez pas ; mademoiselle de Matignon, qui est belle comme un ange !

Madame de Blossac.

Eh ! le grand mal !… Je trouve que rien n’est trop beau pour vous.

Le Maréchal.

Elle a dix-huit ans, elle est presque aussi jeune que ma petite-nièce. Une fille de dix-huit ans à moi, un vieillard !

Madame de Blossac vivement.

Un vieillard ! vous ? Ah ! monsieur le maréchal, je connais plus d’un jeune homme qui… (S’interrompant avec une coquetterie charmante.) J’allais vous flatter.

Le Maréchal.

Sans doute, je n’ai pas mon âge, mais mademoiselle de Matignon… est beaucoup trop jeune pour moi. Je veux que ma femme puisse m’aimer.

Madame de Blossac.

Elle vous aimerait… Je voudrais bien voir qu’elle ne vous aimât pas !… Mais vous ne vous souciez pas de vous marier et vous cherchez des raisons. Voilà la vérité. N’y songeons plus… (Elle prend une chaise et s’assied à côté du maréchal.) Cependant ce n’est que dans une affection sérieuse, dans