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Blondin.

J’imitais Taglioni ; vois, ce pas est charmant.

(Il danse.)
Martel.

Il pleure le matin, et le soir il s’enivre.

Blondin.

Plus on est nécrologue, et plus on aime à vivre.

Edgar riant.

Monsieur est nécrologue ?

Martel.

Monsieur est nécrologue ? Il écrit à ravir
Les articles de deuil.

Blondin à Edgar.

Les articles de deuil.Tout prêt à vous servir !
Qui pleurons-nous demain ? Un grand homme célèbre
Dont le nom soit ronflant dans la phrase funèbre.

Martel.

Non, c’est un vieux chimiste, un savant ingénu.

Blondin.

Tant mieux, en fait de morts j’adore l’inconnu.
Trop de célébrité me gêne quand je vante,
Et je me tire mieux des vertus que j’invente.
Par aucun souvenir je ne suis arrêté.
Je brode sans remords, je pleure en liberté.
Mais j’exige qu’on soit bien mort ; je me défie.
Depuis que l’on m’a fait vanter un homme en vie,
J’y regarde à deux fois ; car messieurs les auteurs
Sont des fripons fieffés, d’infâmes imposteurs,
Qui, se moquant de tout, même du nécrologe,
Font semblant de mourir, pour voler un éloge.
(On entend frapper à la petite porte.)
Qu’ai-je entendu ! Messieurs, on a frappé trois coups.
Le spectacle commence.

Pluchard.

Le spectacle commence.Entrez ; que voulez-vous ?


Scène VI.

Les Mêmes, CHARLES. Jollivet s’éveille.
Martel.

Ah ! je n’avais pas vu cette porte perfide.