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qu’il viendrait s’expliquer sur cette aventure… mais seulement avec madame de Clairmont.

Le Maréchal.

Tout cela m’étonne bien. Jeanne !… si jamais j’ai cru à l’innocence d’une femme, c’est à celle de cette fille-là !… Je découvrirais que vous êtes une misérable, une intrigante, une femme galante, qu’en vérité je ne serais pas plus stupéfait. Jouer la candeur à ce point, c’est infâme !

(Il se lève et passe à gauche.)
Madame de Blossac.

Ne vous emportez pas. Croyez-moi, oubliez vite toute cette famille, qui n’a pas le droit d’être la vôtre. (Elle se lève.) Après tout, ce n’est pas votre nom qu’ils déshonorent ! Ils ne pourront le flétrir, ce nom-là !…

Le Maréchal.

La comtesse est fille de ma sœur, Jeanne est ma nièce ; si ce n’est pas mon nom, c’est mon sang. Je ne peux pas les renvoyer toutes deux de ma maison sans les perdre. Ah ! je ne sais que faire… je suis bien malheureux !

Madame de Blossac.

À votre place, je ne serais pas embarrassé, moi, et je m’arrangerais pour être très-heureux.

Le Maréchal.

Conseillez-moi donc, ma chère voisine, vous qui êtes la sagesse même… Je vous promets de suivre votre conseil.

Madame de Blossac.

Mais… moi, je ne veux peut-être pas que vous le suiviez.

Le Maréchal.

Il est donc mauvais ?

Madame de Blossac avec une tristesse qui veut se vaincre.

Oui, il est mauvais… pour moi, mais il est bon pour vous, et je vous aime tant que je préfère vous voir consolé par mon chagrin, à vous voir triste, découragé, malheureux, avec moi seule pour consolation.

Le Maréchal.

Mais qu’est-ce donc ?

Madame de Blossac.

À votre place, et dans l’isolement où vous allez tomber, je prendrais un grand parti… J’irais dans le monde : là, je ren-