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Le Maréchal.

Autrefois je leur plaisais assez, mais aujourd’hui…

Des Tourbières.

Aujourd’hui plus que jamais !… J’en connais une dont le trouble sans doute ne vous a pas échappé.

Le Maréchal.

Qu’est-ce que vous me contez là ? Quoi ! malgré mon âge ?…

Des Tourbières.

Ah ! vous êtes trop fin pour n’avoir pas deviné…

Le Maréchal.

Deviné, quoi ? Vous piquez ma curiosité… Cela se rapporte-t-il à cette idée qui vous préoccupait tout à l’heure si vivement ?

Des Tourbières.

On n’a besoin de vous rien dire… vous lisez dans la pensée.

Le Maréchal.

J’ai quelquefois besoin d’un traducteur… Expliquez-vous.

Des Tourbières.

Eh bien, j’ai l’honneur d’être reçu, avec la plus flatteuse bienveillance, par un haut personnage… dont la plume n’a rien à envier à l’épée. On prête à ce guerrier illustre des projets de mariage dont le monde s’entretient déjà sérieusement. À ce sujet, sachant mon dévouement pour lui, chacun m’interroge. Je ne lui demande pas de me révéler ses intentions… je lui demande seulement de m’inspirer… et de me faire connaître ce que je dois répondre.-

Le Maréchal.

Ah ! on marie ce personnage !… Et avec qui, s’il vous plaît, veut-on le marier ?

Des Tourbières.

À une femme d’une supériorité incontestable… mais romanesque. Si j’avais le droit de donner un avis, je ne conseillerais pas à un homme ambitieux de l’épouser.

Le Maréchal.

Ah ! elle est romanesque !

Des Tourbières.

Elle ferait peut-être son bonheur par sa tendresse, ses soins, son adoration continuelle ; mais ce serait un homme perdu pour le monde, pour les grandes affaires, pour la gloire. Elle serait jalouse de nous tous, et elle n’aurait