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Des Tourbières.

Et quel est ce défaut unique que vous daignez avoir ?

Madame de Blossac.

Vous ne le devinez pas ?

Des Tourbières.

Que vous êtes… trop raisonnable… C’est un défaut qui est encore une qualité ; c’est ingénieux.

Madame de Blossac.

C’est inepte !… Si je suis une femme trop raisonnable, alors c’est par raison que je l’aime, c’est-à-dire par intérêt.

Des Tourbières.

Sans doute. Je suis stupide !… Ah ! je tiens votre défaut : je lui dirai que vous avez une imagination trop ardente.

Madame de Blossac.

À un vieillard !… quelle idée !

Des Tourbières.

Imprudent ! qu’allais-je dire ! Il y aurait de quoi l’épouvanter à jamais. Ce que c’est pourtant que l’exercice ! Je m’étudie à paraître bête, et je le deviens ! Je ne trouve pas… Avouez-moi vous-même votre défaut.

Madame de Blossac.

N’est-ce pas un défaut que d’être trop romanesque, d’aimer l’ombre et le silence, de fuir l’éclat du monde et d’avoir pour idéal…

Des Tourbières.

Une chaumière et son cœur ?

Madame de Blossac.

Allons donc !

Des Tourbières.

C’est juste ! Quel est le plus sûr moyen de parvenir à être la femme d’un maréchal de France ? C’est de professer le mépris des grandeurs. Quel est le plus sûr moyen de séduire un vieil Almaviva — viva, pas trop ! — qui veut être aimé pour lui-même ? C’est de déclarer qu’on ne veut se marier que par amour… Ah ! che bestia ! c’est de la grande école.

Madame de Blossac.

Il va revenir ; il m’aime, mais je veux connaître ses intentions. Tâchez de les savoir. Je vous laisse avec lui.