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ACTE DEUXIÈME.


Un salon richement meublé, dans l’hôtel du maréchal d’Esligny.
Au fond, des serres en galerie.

Scène I.

LE MARÉCHAL debout ; UN SECRÉTAIRE assis à gauche.
Le Maréchal dictant au secrétaire.

« … Et c’est alors qu’entraîné par la rigueur de mes raisonnements, le congrès médiateur résolut d’affranchir de toutes vicissitudes territoriales les enclaves sécularisées par les Hautes Puissances contractantes… » Bien ! restons-en là ; je relirai ce chapitre cette nuit. (S’asseyant.) Ce morceau me plaît. Je l’ai travaillé ! il le fallait : le fait exact était trop nu. Ah ! la plume vous emporte ! Si l’on ne la retenait, la perfide ! elle vous entraînerait à dire la vérité… cela serait joli ! D’ailleurs, si l’on devait dire tout bêtement ce qu’on a vu, ce ne serait pas la peine d’écrire ses Mémoires. Bien plus, si l’on racontait les événements tels qu’ils sont arrivés, le public n’y croirait pas ; il faut leur refaire des probabilités. Ah ! voilà ma petite Jeanne ! — Je me sens fatigué… allez vous reposer, mon cher Girard. Après ce lourd travail, son gentil babil va me distraire.,

(Le secrétaire sort. — Jeanne hésite à entrer.)

Scène II.

LE MARÉCHAL, JEANNE ; puis UN VALET.
Le Maréchal debout.

Viens donc, Juanina.

Jeanne.

Debout ! quel bonheur ! Il vient au-devant de moi ! Je vais bien l’embrasser pour la peine. Et la goutte ?… Partie !… Il n’a plus besoin de mon bras. Mon cher petit oncle, que je suis contente !

Le Maréchal lui prenant la main et allant se rasseoir.

Tu l’aimes donc, ton pauvre oncle ?