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cueilli, il y a trois ans, un petit Savoyard ; mais elle l’a forcé à vendre sa vielle et elle a mis le pauvre enfant en pension chez les Frères… Il pleurait bien !

(Elle reporte l’habit où elle l’a pris et reprend sa place sur le canapé.)
M. de Saint-Iriex.

Ce genre de charité en vaut un autre… l’éducation est le plus grand des bienfaits..

Des Tourbières.

C’est selon, pardonnez-moi… Pour nous autres, oui… mais l’éducation est souvent fatale aux enfants du pauvre. Ils apprennent à lire, et ils lisent des livres dangereux… Ils apprennent à écrire, monsieur, et ils deviennent souvent faussaires… Eh bien ! s’ils n’avaient pas appris à écrire, ils n’auraient pu commettre de faux en écriture !

M. de Saint-Iriex.

Vous allez un peu loin…

Des Tourbières.

Ce que je dis est vrai, monsieur, je ne hasarde rien… D’après un relevé statistique que j’ai vu… que j’ai vu, mesdames, de mes deux yeux vu… il a été constaté que tous les condamnés pour faux en écriture savaient écrire tous plus ou moins bien !

M. de Saint-Iriex.

Cela doit être.

(Il va rejoindre les dames à gauche.)
Des Tourbières à part.

Je suis content de moi, je suis presque aussi bête que ce monsieur ! Allons, c’est plus facile d’être bête que je ne le croyais.

Madame de Blossac bas à la comtesse.

Nous ne serons pas seules un moment !… (Elles se lèvent toutes les trois et descendent à l’extrême droite.) Dites-moi donc, madame, pourquoi M. le maréchal d’Estigny veut absolument me voir aujourd’hui ?

La Comtesse bas à madame de Blossac.

Il m’envoie vous prier à dîner… Il veut que sa chère voisine partage sa joie, le bonheur de toute sa famille… Il ne veut pas un regret.

Madame de Blossac.

Vous avez donc une bonne nouvelle à m’apprendre ?