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Edgar causant avec Pluchard.

Chaque jour les Bédouins viennent nous assaillir
Aux environs d’Alger ; mais nos colons sont braves.

Griffaut mettant du sucre dans une tasse de café.

Pluchard, je m’y connais, sucre de betteraves.

Jollivet prenant un verre de liqueur.

Je le bois au succès de l’empire ottoman !
Et je vais là-dessus… rêver en musulman.

(Il s’étend dans un fauteuil.)
Griffaut à Jollivet.

Tu n’étais pas hier à la pièce nouvelle ?

Jollivet.

Non, j’avais une noce. Eh bien, comment est-elle ?

Griffaut.

Exécrable, stupide, on nous fait la leçon ;
Ah ! je vais l’arranger d’une belle façon.
L’auteur nous traite mal.

Jollivet.

L’auteur nous traite mal.Je pardonne ce crime.
Moi, quand j’ai bien dîné, je suis très-magnanime.

(Martel revient, tous vont lui tendre la main.)
Pluchard courant vers Martel.

Ah ! mon pauvre Martel ! te voilà donc enfin !
Mais, tu n’as pas dîné ?

Jollivet.

Mais, tu n’as pas dîné ? L’heureux homme, il a faim !

Pluchard à Martel.

Nous t’avons attendu plus d’une heure et demie.

Jollivet.

Et d’un dîner servi l’attente est ennemie.
Mais quel dîner ! c’était le chef-d’œuvre de l’art !
Ce quartier de chevreuil, parfait… et ce homard !
Il valait à lui seul vingt buissons d’écrevisses.
Ce punch au marasquin entre les deux services,
Exquis. J’ai bien dîné, très-bien, je suis content ;
Je voudrais tous les jours pouvoir en faire autant.
(À Martel.)
Pauvre ami, je te plains, oh ! de toute mon âme !
Manquer un tel festin !… pour quoi ? pour une femme

Edgar.

Est-il donc vrai, Martel ?