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Martel.

Les maudits Provençaux !

Guilbert.

Les maudits Provençaux ! Ils rompent nos oreilles.
Que leur mistral fameux les emporte…

Martel.

Que leur mistral fameux les emporte…À Marseilles.

Guilbert.

La Vérité, monsieur, c’est un titre excellent ;
Mais qu’on y soit fidèle. Ah ! point de faux semblant !
La vérité, toujours.

Martel.

La vérité, toujours.Bon, vous parlez en maître.
Pour la dire toujours, il faudrait la connaître.
Chaque objet aux regards présente deux côtés,
Monsieur ; chaque principe a ses deux vérités,
Dont l’obligation tour à tour se démontre.
Si vous plaidez le pour, je plaiderai le contre,
Et je crains qu’arrivés à la péroraison,
Nous n’ayons tous les deux…

Guilbert.

Nous n’ayons tous les deux…Tort.

Martel.

Nous n’ayons tous les deux…Tort.Ah ! bien pis, raison.
Quand deux hommes ont tort chacun dans leur système,
Quelque autre peut venir résoudre le problème ;
Mais quand des deux côtés le droit se trouve égal,
Il en résulte un choc à tous les deux fatal.
À qui rendre justice et donner préférence ?
Nous avons tous raison, c’est ce qui perd la France.
Ceux-ci, fiers du passé, vivent du souvenir ;
Ceux-là, rêveurs ardents, font tout pour l’avenir.
Les uns veulent garder tout le vieil édifice,
Les autres au progrès l’offrent en sacrifice,
Et chacun fait pour vaincre un inutile effort.
On s’entendrait déjà… si quelqu’un avait tort.

Guilbert avec ironie.

Je vois que vous jugez heureusement les choses.

Martel.

Oui, monsieur, nos malheurs n’ont que de nobles causes.