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Une voix derrière le théâtre.

La vérité se trouve au fond de la bouteille.
Buvons, du vin, du vin !

Pluchard derrière le théâtre.

Buvons, du vin, du vin ! Servez du vin du Rhin.

Guilbert.

C’est la voix de Pluchard, il paraît fort en train.
Ceci n’annonce point une chère frugale.

Martel au supplice.

Ce sont des… Marseillais… que notre ami régale…
(À part.)
Scandaliser ainsi son banquier, l’étourdi !
(Haut.)
D’aimables Provençaux… mais cerveaux du Midi.
Ce prospectus vous plaît ; vous disiez, ce me semble,
Qu’il était convenable ?
Qu’il était convenable ? (À part.)
Qu’il était convenable ? Ils vont venir, je tremble !

Guilbert.

Oui, j’en suis très-content. Il est de vous, je crois.

Martel.

De moi.

Guilbert.

De moi.Je veux encor le relire une fois.

(Il parcourt des yeux le prospectus. On entend rire. Après avoir lu.)

Fort beau !… je vous prédis un succès magnifique ;
Journal bien informé, savante polémique,
Un rédacteur en chef grave, adroit, respecté,
Car moi je tiens beaucoup à la moralité.

Martel à part.

Diable ! que dirait-il s’il savait qu’à cette heure
Une nymphe en courroux ravage ma demeure ?
(Haut.)
Mais je vois qu’il vous faut des sages éprouvés,
Et j’ai bien peur…

Guilbert.

Et j’ai bien peur…Comment ! Pluchard les a trouvés.
Oui, Pluchard m’a promis des jeunes gens très-sages,
Qui sauront respecter le monde et les usages ;
Qui, se sentant goûtés par un public instruit,
Sauront être amusants sans scandale et sans bruit.

(On entend casser des assiettes et des rires forcenés.)