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bons mots, dont le métier est de combattre, qui trouvent l’inspiration dans l’attaque, et que la paix ruinerait ; ces moqueurs de profession ne peuvent se passer d’ennemis ; il le savait bien celui d’entre eux qui disait un jour, en parlant de ses protecteurs trop conciliants : « Ils me feront tant d’amis, qu’ils m’ôteront tout mon esprit ! »

L’auteur devait leur dire : « Vous êtes bon, et vous faites le mal ; vous avez une mère que vous respectez, et cependant vous écrivez un article qui déshonore une mère respectée comme la vôtre.

» Vous êtes généreux, vous faites l’aumône, vous souscrivez pour un ouvrier sans travail, et cependant vous écrivez des articles incendiaires, qui conduisent le peuple à la misère par l’insurrection.

» Vous êtes enthousiaste des beaux-arts, et cependant vous découragez le talent, non par un jugement loyal, sévère, digne de l’œuvre, mais par un dénigrement mesquin, un acharnement périodique qui change la critique en persécution. Harceler n’est point juger.

» Vous avez pour votre pays une tendresse pleine de vanité, et cependant, par vos stériles discussions, par vos sots engouements, par vos profanations, par votre injustice envers les hommes qui font sa puissance et sa gloire, vous le perdez. »

Voilà ce qu’il fallait leur dire ; voilà, heureusement, ce qu’ils ont compris. L’agitation où ce langage les jette en est la preuve. Cette grande rumeur qu’ils font aujourd’hui n’est pas de la colère, non ; c’est mieux que cela, c’est de l’épouvante et du regret. Les journalistes, effrayés, reculent devant leur propre image ; ils s’indignent de leurs propres torts. Ah ! cette protestation de leur part est un heureux présage, cette révolte de leur conscience est déjà un repentir. C’est un beau triomphe pour l’auteur, le plus glorieux qu’il ait pu rêver. Elle venait donc du cœur, cette voix qui lui a crié : Éclaire-les, parce qu’ils ne savent ce qu’ils font !

Quant au sujet principal de cet ouvrage, il est puisé dans l’histoire même du journalisme. Parmi les innombrables calomnies qui déshonorent la presse depuis dix années, l’auteur n’avait malheureusement pas le choix ; il a pris la seule que l’on pût mettre au théâtre, tant les autres étaient d’une nature hideuse et dégoûtante. Les journaux seuls sont donc coupables des allusions que l’on peut trouver, c’est leur calomnie qui a fait la pièce. L’auteur rejette sur eux toute responsabilité : le vengeur n’est pas le complice.