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LE VICOMTE DE LAUNAY.

se découragent point. C’est maintenant pour 1842 qu’ils annoncent la fin du monde ; 40 ou 42, c’est la même chose pour eux ; l’astrologie ne se pique pas d’être une science exacte… Quel affreux calembour ! Nous tâcherons d’avoir plus d’esprit l’année prochaine.




ANNÉE 1841.


LETTRE PREMIÈRE.

L’Académie française. — Élection de Victor Hugo. — L’esprit de parti et le parti de l’esprit.
9 janvier 1841.

Enfin !… Victor Hugo est de l’Académie française ! C’est heureux pour elle et pour lui : c’est heureux pour elle, car il est bon que toutes les gloires du pays lui appartiennent et que les grands travailleurs viennent ranimer son esprit enclin au sommeil ; c’est heureux pour lui, car le titre seul d’académicien suffit pour faire tomber le ridicule préjugé qui voile encore son nom.

Chose étrange ! Victor Hugo a pour admirateurs le peuple, les femmes et les hautes célébrités littéraires de France, c’est-à-dire la partie rêveuse et passionnée de la nation. Il a pour détracteurs le roi, les journalistes voltairiens et la classe bourgeoise, c’est-à-dire la partie affairée de la nation, les gens occupés qui n’ont pas le temps de s’exalter par de poétiques lectures et qui ne connaissent les ouvrages de nos auteurs modernes que par des fragments dénaturés. Bref, Victor Hugo a pour détracteurs tous les gens qui ne l’ont pas lu. Nous ne parlons pas de ses ennemis et de ses rivaux ; ceux-là plus que personne l’admirent ; la preuve, c’est qu’ils le haïssent : on ne hait pas pour rien.

Mais ce qu’il y a de charmant, et ce qui pour notre part nous amuse fort, c’est que ceux qui ne l’ont pas lu ont la rage