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LE VICOMTE DE LAUNAY.

favorable s’apprête dans les grands esprits ; que les cajoleries démocratiques commencent à passer de mode ; qu’enfin la popularité est un peu dépopularisée.

Une autre chose encore nous a frappé dans ce discours, c’est l’apologie faite par M. Dupin des hommes qui sont restés fidèles à tous les gouvernements qui, depuis quarante ans, se sont succédé en France ; des hommes qui, après avoir servi la République, ont servi l’empereur ; qui, après avoir servi l’empereur, ont servi les Bourbons, et qui, après avoir servi les Bourbons, ont servi le gouvernement de Juillet, et qui, après avoir servi le gouvernement de Juillet, serv… Eh ! mais, il faut s’arrêter !… « Que deviendrait le pays, s’écrie l’honorable académicien, si tous les fonctionnaires publics se retiraient subitement, à l’instant où le chef de l’État vient à changer ? quel danger n’y aurait-il pas dans leur retraite ? il faut donc bien qu’ils restent… vous le voyez. » Cette maxime est assez étrange, mais elle a du bon. Nous souhaitons vivement qu’elle se propage ; un tel principe, bien généralement répandu, aurait des résultats plus importants et plus efficaces qu’on ne le pense. Pourquoi fait-on les révolutions ? pourquoi change-t-on les gouvernements ? Pour avoir des places, pour s’approprier les emplois de ceux que l’on combat avec violence, n’est-ce pas ? On ne se révolte pas pour autre chose.

Eh bien, quand on saura une bonne fois pour toutes que, quoi qu’il arrive, les gens en place garderont leurs places ; que, malgré leurs convictions blessées, ils resteront ; que, malgré leurs opinions vaincues, ils resteront ; que, malgré leurs affections trahies, ils resteront ; que, malgré leur drapeau déchiré, ils resteront ; que, malgré tout, ils resteront, et se feront un ingénieux point d’honneur de rester… alors tout naturellement on cessera de tenter les bouleversements inutiles et de rêver des changements qui ne changeront rien du tout.

Plus nous y réfléchissons, plus nous trouvons ce nouveau système raisonnable. Comme religion politique, il n’est peut-être pas d’une orthodoxie bien rigoureuse, mais comme hygiène sociale, il nous paraît être le meilleur remède pour guérir à jamais dans notre pays la fièvre des révolutions.

M. Molé a obtenu ce matin deux beaux succès : succès litté-