Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
LETTRES PARISIENNES (1840).

à la Chambre : ce n’est pas un avocat qui plaide, un acteur qui déclame, un prédicateur qui prêche, un professeur qui pérore, un général qui harangue, un causeur qui bavarde, un bouffon qui grimace ; c’est, nous le répétons, quelque chose de nouveau à la Chambre, c’est un orateur qui parle.

N’oublions pas de dire que, dans cette mémorable discussion, tous les discours commençaient de même par ces mots : « Je viens mettre un terme à ces déplorables personnalités, etc., etc., » et finissaient tous de même par des personnalités déplorables. Ce début est effrayant, et cela doit être ; on ne sent le besoin de s’écrier : « À Dieu ne plaise que je veuille me permettre ici la moindre personnalité, » que précisément parce que l’on a quelque énorme personnalité à dire ; sans cela on ne parlerait pas du tout. C’est comme lorsqu’on dit : « Je ne rappellerai point telle et telle circonstance, » cela veut toujours dire : « Je vais vous rappeler cette circonstance dans tous ses détails. »

Autre piège oratoire : « Si je ne craignais de me servir d’une expression trop forte, je dirais… etc., etc… Alors on se permet une expression des plus violentes et des plus coupables ; mais on est retranché derrière un bastion, je dirais, donc je ne dis pas.

Autre piège non moins dangereux : « Je n’ai que quelques mots à faire entendre à la Chambre. » Quelques mots, cela signifie : « Je vais parler pendant deux heures sans désemparer. » Ce préambule est redoutable ; mais ce n’est rien encore. Voici qui est plus affreux, c’est quand l’orateur commence en disant : « Je n’abuserai point de l’attention de la Chambre… » Alors allez-vous-en tout de suite ; ceci veut dire : « Je me sens en état de parler quatre heures, et je ne vous ferai pas grâce d’un mot. » Vous êtes prévenu.

Il faut croire néanmoins que les séances de la Chambre ont bien de l’intérêt, puisqu’il y vient tant de monde et surtout tant de femmes. Et pourtant, une journée passée à la Chambre est une épreuve bien pénible. Dans les meilleures tribunes, comme on est mal assis, comme on y est pressé ! Que ces superbes colonnes ont des angles perfides ! que ces banquettes économiques ont des proportions inhospitalières ! Pour rester là im-