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LETTRES PARISIENNES (1840).

fort désagréable, une mystification en trois actes des plus plaisantes. Hier, dès le matin, il a été réveillé par des coups de marteau, de ces coups légers et taquins qui n’appartiennent qu’aux tapissiers ; il se lève et passe dans son salon : il le trouve décoré d’une façon nouvelle et orné de lustres inconnus, partout, des tapis, des banquettes, enfin ce beau désordre qui annonce une fête. Il interroge les ouvriers, qui ne peuvent répondre ; leur maître est absent. Une heure après on sonne à la porte, plusieurs voitures s’arrêtent ; M. W… regarde et aperçoit un corbillard et six voitures de deuil. Il s’informe. On lui apprend qu’il est mort l’avant-veille et qu’on vient l’enterrer ; il s’étonne, il voit bien que c’est un malentendu, mais il sent le besoin de s’en expliquer avec le cocher, par lequel il est bien décidé à ne pas se laisser conduire. Pendant qu’il emploie toute son éloquence à prouver qu’il n’est pas prêt pour cette cérémonie, il s’aperçoit que des agents de police et des sergents de ville entourent sa maison ; toujours plus inquiet, il s’informe encore : on lui dit que la police a été prévenue la veille qu’un conciliabule politique devait avoir lieu le soir même chez lui. Il récapitule : « Un bal, un enterrement, un complot chez moi qui aime à vivre seul, qui me porte bien, et qui ne me mêle pas de politique… c’est une mystification ! Ils ont voulu me fâcher, je ne me fâche pas, c’est eux qui sont mystifiés. » On ignore encore quel est l’auteur de cette plaisanterie, qui a bien un peu l’accent anglais.


LETTRE VINGT-SEPTIÈME.

Impressions politiques. — Discours de M. Guizot, de M. Thiers, de M. Barrot, de M. Berryer, etc., etc. — Les marchands de bois et les bonnetiers écrivains politiques. — La politique de M. Thiers est de la poésie.
5 décembre 1840.

Les brillants orateurs de la Chambre ont seuls occupé Paris cette semaine. Nous avons voulu, nous aussi, juger de ces grands talents par nous-même ; nous avons entendu plusieurs de ces magnifiques discours, dont voici à peu près le résumé :