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LE VICOMTE DE LAUNAY.

— Quoi ! M. de Triquety, que nous admirons tant, a fait une statue de Magdeleine, de Magdeleine !… et vous ne me dites pas cela tout de suite !

— J’ai enfin très-longtemps regardé, dans l’atelier du comte de Nieuwerkerke, une adorable statue faite d’après un ange de beauté. Cette statue est de grandeur naturelle et d’une ressemblance parfaite. C’est le portrait d’une gracieuse enfant que vous devez connaître : la petite-fille de M. Molé.

— Mais dites donc cela tout de suite ! »

Survient un autre ignorant. « Je ne sais rien, dit-il ; je n’ai vu personne aujourd’hui ; j’ai passé la soirée tout bonnement chez ma cousine, et je suis resté au coin du feu avec une personne fort spirituelle dont la conversation m’a très-intéressé : lady Byron, la veuve du poëte.

— Quoi ! lady Byron est à Paris ?

— Elle doit y passer l’hiver.

— Mais dites-moi donc cela tout de suite ! »

Troisième ignorant. « Et que puis-je savoir, moi qui passe ma vie dans les livres ? Je ne suis au courant de rien.

— Y a-t-il longtemps que vous n’avez vu madame P… ?

— Non, je suis allé la voir hier. Je l’ai trouvée tout occupée d’un monsieur qui vient de faire une découverte admirable. Il a demandé au ministre de l’intérieur d’assister à une de ses expériences ; mais on s’est moqué de lui, et madame P… est furieuse.

— Quelle est donc l’invention de son protégé ?

— Il a trouvé le moyen de marcher sur l’eau !

— Mais dites-moi donc ça ! Vraie ou fausse, c’est une excellente nouvelle pour un feuilleton. »

Un élégant arrive de Versailles. Non-seulement il dit qu’il ne sait rien, mais il questionne tout le monde. Si on lui parle de Versailles : « Nous menons là une vie bien monotone, répond-il : le matin on se promène à cheval, le soir on fait son whist, et le lendemain on recommence.

On connaît en un jour tous les jours de sa vie !

— Vous demeurez toujours à côté de M. W… ?

— Oui… Ce pauvre homme, il vient de lui arriver une chose