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LETTRES PARISIENNES (1840).

folles amours à une reine honnête femme, que d’attribuer à lady Marlborough de misérables intrigues indignes d’elle ? D’ailleurs, la chanson est là pour la justifier : Monsieur Malbrough est mort… vos beaux yeux vont pleurer ! lui dit son page : cela prouve clairement que lady Marlborough aimait son mari. La vérité est dans les vieilles chansons ; les faiseurs de complaintes ne mentent pas ; ce ne sont pas des historiens, on peut les croire.

Il y a donc dans la pièce nouvelle de M. Scribe deux calomnies : une contre la reine Anne, une contre lady Marlborough. Deux calomnies, c’est beaucoup ; il est vrai que dans la Calomnie il n’y en a pas une : voilà la compensation.

Enlisant l’analyse de cette pièce dans les journaux, nous avons fait encore cette remarque : lord Bolingbroke dit : « Puisque vous ne voulez pas placer auprès de la reine miss Abigaïl, je vais publier dans mon journal l’histoire de vos amours avec Masham. »

La duchesse répond : « Et moi, je vais publier, de mon côté, les lettres de votre femme à lord trois étoiles. »

Quelles charmantes malices ! quel dialogue, pour de si nobles personnages !… Et l’on trouve cela tout simple, et il ne vient à l’idée de personne de se révolter. Un lord, faire une pareille menace ! Une lady répondre par une si lâche dénonciation !… Et on appelle cela un dialogue vif et piquant ! Ah ! si l’on osait faire tenir un tel langage à tout autre héros… à deux journalistes, par exemple !… comme on crierait au scandale et à l’infamie ; quelle levée de boucliers il y aurait en faveur des hommes de la presse vilipendée ! Des journalistes parler ainsi… fi donc ! Des journalistes sont incapables d’une telle bassesse : un lord et une duchesse, à la bonne heure !… Ô comédie, que tu serais facile à faire, si tu étais possible à jouer !

En fait de comédiens politiques, les avis sont de même fort partagés : « Vous étiez l’autre jour à la Chambre, vous avez entendu le discours de Thiers ? Comment a-t-il parlé ?

— Il a été déplorable, il a défilé d’un ton patelin un chapelet de mensonges, et puis il a été d’une longueur ! il a rabâché pendant trois heures toujours les mêmes phrases, j’en suis fatigué. »