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LE VICOMTE DE LAUNAY.

Parle-t-on de la pièce nouvelle de M. Scribe, le Verre d’eau, quelqu’un dit-il : « C’est ravissant, plein d’esprit, de finesse !… » une autre personne lève les yeux au ciel et répond : « C’est d’un goût détestable ! c’est un vaudeville historique sans intérêt, et du style le plus commun ; je n’appelle pas cela de l’esprit.

— Convenez cependant que la pièce est on ne saurait plus amusante.

— Elle est remplie de longueurs fort ennuyeuses.

— Mais, enfin, elle est jouée en perfection.

— Non vraiment, je ne le trouve pas.

— Mademoiselle Plessis y est admirable.

— Elle est prétentieuse et maniérée !

— Il est impossible de voir une plus belle femme !

— Une belle femme qui a les bras cassés !

— Mademoiselle Doze est adorable.

— Elle est toute petite ; elle a l’air de jouer à genoux.

— Vous êtes injuste, elles sont toutes les deux charmantes, et tout Paris ira les admirer. Le Verre d’eau est une des plus jolies pièces de Scribe ; le troisième acte est excellent ; je n’aime pas autant le cinquième, il ressemble trop au dénoûment de Zanetta. r.

— De Zanetta ?… De Lestocq, vous voulez dire ?

— Vous pourriez dire aussi de Leicester et de la Reine de seize ans. »

En écoutant cette discussion, nous ne pouvions nous empêcher de rire. Voilà une critique involontaire qui est très-perfide, pensions-nous. Comment ! cette comédie est composée de trois opéras-comiques nattés ensemble ! Il faut qu’il y ait là dedans bien du talent et bien de l’esprit pour donner de la nouveauté à un sujet si vieux et si pauvre !

Voilà comme on parle dans le monde du Verre d’eau. Nous ne l’avons pas encore vu, et nous n’avons point d’opinion ; cependant le caractère de cette femme nonchalante et timide qui ne se rappelle qu’elle est reine que le jour où elle devient jalouse, et qui recouvre l’indépendance par l’amour, nous semble une idée heureuse, une observation profonde ; mais n’est-ce pas un crime de lèse-histoire que de supposer de