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LE VICOMTE DE LAUNAY.

— Sincèrement. — Est-elle jolie ? — De beaux yeux noirs expressifs. — Qui rappelle-t-elle ? — Mademoiselle Falcon, mais moins belle que mademoiselle Falcon, les traits moins réguliers. — Et ses portraits ? — Affreux, pas du tout ressemblants. — Emma Pouthier ? — Gentille, une voix charmante, la voix de mademoiselle Mars. — Et madame Lafarge la mère ? — Très-grasse, petits yeux, grosses joues, sourire gracieux. — Quel effet a produit le plaidoyer de Paillet ? — Admirable ! Oh ! vous n’en pouvez juger ; tous les sténographes pleuraient, ils en ont passé la moitié. — Y avait-il beaucoup de monde à Tulle ? — Oui. — Beaucoup d’Anglais ? — Pas un. — Est-il vrai qu’on ait acheté cinq cents flacons le jour de l’opération des chimistes ? — Cinq cents flacons !… on n’en a acheté que trois, il n’y avait que cela dans toute la ville ; d’ailleurs, la salle du tribunal ne contenait que deux cents personnes, cela ferait deux flacons et demi par personne ; c’est beaucoup. — Mais le jugement… mais le jury… mais le pourvoi ? — De grâce, permettez-moi d’aller dormir ; j’ai voyagé sans m’arrêter, nuit et jour ; je n’en puis plus. — Encore un mot : M. de Chauvron est-il… — Ah ! vous êtes sans pitié. Bonsoir. »

On recommence à parler beaucoup du prince Louis ; on nous contait hier un mot de lui qui peint toute sa situation. « Monsieur, disait-il au juge d’instruction qui venait de l’interroger, accordez-moi une grâce : laissez-moi voir Paris. » Malheureux proscrit ! il veut conquérir la France pour avoir au moins le droit de la visiter ; est-ce sa faute s’il n’a pas d’autre moyen de la connaître, et n’avions-nous pas raison de dire : « Ce n’est pas un trône qu’il demande, c’est une patrie ? » Mais cette France, qu’il ne pouvait connaître par elle-même, il croyait pouvoir la juger par ceux qui ont la prétention de la représenter et d’exprimer sa pensée ; il l’étudiait dans nos patriotiques journaux, et cette étude dangereuse a causé ses torts et ses malheurs. Et tous ces journaux qui l’ont trompé par leurs gémissements perfides s’enflamment aujourd’hui contre lui ; ils le proclament fou, parce qu’il les a crus sur parole ; ils nomment ses proclamations insensées, et ils ne s’aperçoivent pas qu’ils les ont eux-mêmes dictées et qu’elles sont faites avec leurs propres mots. Lisez-les, jugez-les, et dites, n’en