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LETTRES PARISIENNES (1840).

l’expérience et qui n’a plus l’instinct ; qui languit dans la misère entouré d’inestimables trésors ; qui est faible et qui laisse tous ceux qui feraient sa force agir en dehors de lui ; qui laisse ses écrivains travailler pour vivre, ses artistes mourir de chagrin, et ses grands génies, qui l’auraient sauvé peut-être… devenir fous !


LETTRE VINGT-TROISIÈME.

La guerre. — M. Thiers. — Avantages de la déconsidération. — Une belle peur. — Fêtes de Juillet. — Vers contre un ingrat.
31 juillet 1840.

La semaine a été fertile en événements de tous genres, en inquiétudes et en espérances, en désespoirs et en plaisirs. C’est une semaine de Juillet. La guerre ! la guerre ! voilà le mot que l’on entend résonner de tous les côtés ; une bonne guerre, comme nous répétions l’autre jour avec Fourier. Et pourquoi, s’il vous plaît, la guerre ? Parce que M. Thiers est un aimable étourdi ; il sait bien faire les coalitions, mais il ne sait pas les prévoir ; la justice politique n’est donc pas un vain nom : qui règne par le fer périra par le fer ; qui triompha par une coalition périra par une coalition. Jadis, toutes les puissances de l’Europe se coalisèrent pour se venger de Napoléon ; aujourd’hui, les mêmes puissances se coalisent pour se moquer de M. Thiers. C’est le seul rapport que jusqu’à présent nous ayons encore trouvé entre le grand homme et le petit homme. Ainsi donc, voilà la France jetée dans tous les hasards d’une lutte inégale dont elle se tirera avec gloire, nous n’en doutons pas, mais qui lui coûtera beaucoup de soldats et beaucoup d’argent… Voilà toutes nos relations de commerce menacées, voilà toutes nos industries étranglées, toutes nos manufactures paralysées, tous nos intérêts compromis… Voilà toutes les factions réveillées, tous les droits remis en question ; voilà l’Europe en feu… Pourquoi ? En vérité, nous ne pouvons trouver à tous ces événements une autre cause : tout cela parce que M. Thiers a voulu être ministre à tout prix.

Pour nous qui n’étudions que la philosophie de la politique,