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LETTRES PARISIENNES (1848).

l’œil s’habitue à reconnaître vite ce qui est mal ; c’est l’étude des fautes, la recherche des plaies, le choix des taches et des ombres, la chasse aux laideurs. L’esprit d’organisation, au contraire, c’est l’exercice de l’espérance, c’est l’étude des ressources, la science des moyens, la recherche des forces, la chasse aux idées fécondes et généreuses.


LETTRE TROISIÈME.

Deux joyeux refrains : Fusiller ! fusiller !… guillotiner ! guillotiner ! — Amour de la propriété. — Dernier culte des Français. — L’acajou, dieu du jour. — Affreux bonheur du bourgeois. — Supplice qu’on lui envie. — Poésie méconnue. — Littérature d’état de siège.
3 septembre 1848.

Seul, toujours seul !… Il est écrit que nous ne pourrons jamais être d’aucun parti.

Il y en a deux qui se disputent la France en ce moment, aucun des deux ne nous attire ; nous les avons déjà définis :

Le parti de ceux qui veulent tout garder,

Le parti de ceux qui veulent tout prendre.

Le parti des égoïstes,

Le parti des envieux.

Les uns ont un mot charmant qu’ils affectionnent, qui résume toute leur pensée :

Fusiller ! fusiller !…

Les autres ont aussi leur mot favori, également affectueux, qui dévoile tout leur système :

Guillotiner ! guillotiner !…

Et l’on veut que nous autres, nous les poëtes, nous rêveurs d’héroïsme, professeurs de magnanimité, nous prenions fait et cause pour cette politique de happe-chair !… que nous tendions notre main généreuse à ces mains avides et crochues !… que nous saisissions la lyre d’or pour répéter à l’univers l’un de ces beaux refrains ; que nous choisissions entre ces deux paroles d’amour :

Fusiller ! fusiller !…

Guillotiner ! guillotiner !…

Jamais !…