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LETTRES PARISIENNES (1848).

« À MADAME DE GIRARDIN.

» Je viens de t’écrire que j’étais à la Conciergerie.

» J’y suis dans une pistole, et je voudrais qu’on pût m’envoyer un manteau pour me coucher, du linge et tout ce que Rémy jugera nécessaire.

» Je dois, dit-on, passer demain devant une commission militaire ; vois ce qu’il y a à faire. Madame de B… te remettra cette lettre ; elle a pu parvenir miraculeusement jusqu’à moi.

 » É. de Girardin. »

Le matin de ce même jour, M. de Girardin m’avait écrit :

« À MADAME DE GIRARDIN.

» Cette horrible guerre civile ne paraît pas devoir finir encore aujourd’hui. Les approvisionnements de Paris peuvent être interrompus. Il faut avoir du pain et tout ce qui est susceptible de se conserver. C’est une précaution que je te recommande.

» J’ai le cœur navré, quand je pense que tout ce qui arrive pouvait être prévenu, que je l’avais prévu et annoncé !

» Je t’embrasse. À bientôt. É. »

Du 25 au 30 juin, cinq jours s’écoulèrent pendant lesquels je ne reçus aucune lettre de M. de Girardin ; sa détention prolongée, avec aggravation de la mise au secret la plus rigoureuse, donnait lieu aux bruits les plus faux, mais les plus sinistres, colportés dans tout Paris, et particulièrement semés dans les couloirs et les salles d’attente de l’Assemblée nationale. Enfin, le 30 juin, me fut apportée cette réponse :

« À MADAME DE GIRARDIN.

» Ma chère amie, puisque l’autorité inconnue de laquelle je relève a laissé ta lettre parvenir jusqu’à moi, j’espère qu’elle laissera jouir la réponse de la même liberté.

» Je me porte bien de corps et d’âme.