Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/485

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
477
LETTRES PARISIENNES (1848).

plus permis de se taire ; la paresse devient de la lâcheté dans les jours de lutte ; elle perd tous ses charmes et jusqu’à sa réalité, car le remords la trouble, et le remords est un travail pour un esprit paresseux. Rentrons donc dans la lice courageusement ; malgré notre faiblesse, nous serons un champion redoutable ; nous n’avons point d’armure, mais nous n’avons point de masque ; nous n’avons pas le moindre glaive dans notre main débile, mais nous avons, contre les hypocrites, de toutes les armes la plus terrible, même dans la plus tremblante main : un flambeau.

Une seule chose nous inquiète : comment signer maintenant ? — Vicomte ? Il n’y a plus de titres, et cependant nous ne sommes rien, si nous ne sommes vicomte. Les personnages fantastiques n’existent que par leur qualité imaginaire ; les droits réels les feraient évanouir… La fée Morgan n’est rien, si elle n’est la fée Morgan : faites-en la citoyenne Morgan, elle n’est plus. Il en est ainsi du vicomte de Launay, faites-en le citoyen Delaunay, il n’existe plus. — Que décider ?… La difficulté est extrême… Ah bah ! les gens qui ont aboli les titres n’ont pu avoir qu’une pensée, ils n’ont voulu supprimer que les titres d’une grande valeur, ceux qui se rattachaient aux noms illustres de la monarchie, ceux qui racontaient les immortelles batailles de l’Empire ; mais aux autres, ils n’y ont pas songé ; les titres de fantaisie, qui n’ont pas de valeur du tout, dont on ne peut pas être fier, ça ne doit pas irriter les envieux. Aussi, sans crainte de leur déplaire, nous continuerons à signer très-humblement, comme autrefois : Vicomte de Launay.


LETTRE DEUXIÈME.

Paris les 23, 24 et 25 juin. — Les ordres d’une maîtresse de maison. — Quatre gouvernements et six journées. — Arrestation et lettres de M. de Girardin. — Conspirateurs et organisateurs.
30 juin 1848.

C’est le dimanche 25 juin, à sept heures du soir, que j’ai appris que M. de Girardin était arrêté.

Il y avait déjà trois jours que je ne l’avais vu ; au seul mot de barricades, M. de Girardin s’était installé rue Montmartre,