était une offense pour elles ; il les dépouille et il les force d’abdiquer. Grâce à cette injuste loi, dans leur empire, c’est-à-dire dans le ménage, le moindre de leurs serviteurs est au-dessus d’elles ; si bien que, dorénavant, les fils ambitieux auront beaucoup plus d’égards pour leur portier, électeur, dont la voix, l’influence, peut les faire représentants du peuple et ministres, que pour leur vieille mère, qui ne vote pas.
Oh ! les Français, ils sont bien toujours les mêmes, les tyrans envieux de leurs femmes, qu’ils font semblant d’adorer ; vieux inventeurs de la loi salique, vingt siècles ne les ont point changés… Le crétin le plus abject, si son imbécillité a l’honneur d’être masculine, compte plus à leurs yeux que la plus noble femme douée du plus grand esprit… Ainsi, le stupide Jocrisse, palefrenier chez M. de B…, qui disait à son maître, la veille des élections : « Monsieur veut-il bien me donner une liste, je ne sais que faire de MA vote, » ce valet d’écurie a voté !…
Et l’auteur d’Indiana, de Valentine, de Lélia, de Mauprat, de Spiridion, de Consuelo, de la Mare au Diable et de tant de chefs-d’œuvre… George Sand… ô députés trop fiers de votre mâle obscurité !… George Sand n’a pas eu le droit de tracer sur un bulletin, avec sa plume immortelle, un seul de vos noms inconnus !
Mais, encore une fois, les femmes ne demandent point le droit de suffrage ; elles demandent le droit d’être honnêtes, de gagner leur vie dignement et sans prostitution d’aucun genre, car les prostitutions inavouées ne sont pas les moins cruelles ; les femmes demandent le droit de n’être plus d’inutiles mères, le pouvoir de défendre leur fortune et leur personne sans procès ruineux, d’acheter du pain à leurs enfants avec la dot que leurs maris mangent avec leurs maîtresses ; elles demandent le moyen de travailler pour vivre, de travailler même pour nourrir leurs maris, quand leurs maris ne veulent pas travailler ; elles demandent qu’il y ait en France autant d’ouvroirs, d’ateliers, de bureaux administratifs pour occuper l’activité patiente des femmes, qu’il y a de clubs et de cabarets pour amuser la paresse turbulente des hommes.