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LETTRES PARISIENNES (1848).

que les notaires sont devenus folâtres, fringants et merveilleux.

La preuve qu’ils ne comprennent pas la république, c’est qu’ils font encore de la diplomatie, comme les vieux ministres routiniers. République et diplomatie ! mais ces deux mots-là jurent ensemble. Sous la royauté, c’est fort bien ; les ambitions de la dynastie sont souvent en désaccord avec les volontés de la nation, et là où l’intérêt est complexe, la finesse et l’habileté sont permises ; mais dans une république, l’intérêt est simple toujours. Plus de finasserie, plus de cachotterie, plus de tricherie !… On doit jouer cartes sur table. À quoi bon alors payer très-cher des beaux messieurs pour qu’ils aillent à grands frais chuchoter tout bas à l’oreille des rois ce qu’on doit crier tout haut à l’oreille des peuples ?

La preuve qu’ils ne comprennent pas la république, c’est qu’ils font encore de la vieille police de tyrans, comme les ministres indiscrets et curieux qu’ils ont tant de fois dénoncés. Car telle est leur imaginative : ils approuvent en l’imitant ce qu’ils ont blâmé pendant vingt années ; ils appellent cela faire du nouveau. Ils décachettent toutes nos lettres sans se gêner. — Et le cabinet noir contre lequel ils ont tant hurlé ! — Eh bien, ils l’ont supprimé ; de quoi vous plaignez-vous ?… il n’est plus noir : la blanche clarté du jour y pénètre librement à grands flots, et c’est à la face du soleil qu’on y viole tous vos secrets. Un aide de camp de M. le duc de Montpensier a reçu dernièrement une lettre de lui ; cette lettre était décachetée et les passages intéressants en étaient soulignés à l’encre rouge. Dans un certain ministère, les lettres ouvertes sont recachetées naïvement avec le cachet du ministère. L’indiscrétion… peu importe ; ce qui est plus grave, c’est la confiscation. Une femme de notre connaissance a mis, il y a deux mois, à la poste une lettre qui n’est jamais parvenue à son adresse. À vrai dire, le billet mystérieux a dû singulièrement intriguer les faiseurs de conjectures.

Cette femme était patronnesse d’un bal de charité, et comme les autres patronnesses, elle était chargée de désigner un commissaire pour faire les honneurs de la fête. Elle choisit son neveu et lui écrivit pour lui demander s’il serait libre de