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LE VICOMTE DE LAUNAY.


ANNÉE 1848.


LETTRE PREMIÈRE.

La république, ça ? Allons donc, c’est l’envers de la royauté ! — Ils font tirer le canon chaque fois qu’ils se dérangent. — C’est la vieille diplomatie, la vieille police des vieux rois. — Des républicains farouches, mais sybarites. — Crème d’ananas. — Aspect de Paris. — Repos forcé. — Cinquante mille Tityres sous un hêtre. — Le dernier vicomte.
13 mai 1848.

Quel dommage !… quel dommage !… ça va être affreux… et ça pouvait être si beau !…

Une loyale république, n’est-ce pas le rêve de tous les esprits généreux et indépendants ?…

Aimer son pays pour lui-même et l’aimer lui seul, sans compliquer son amour d’un tas de noms propres plus ou moins populaires, plus ou moins maudits ;

N’être plus condamné à défendre malgré tout et contre tous un personnage de convention, lui, ses enfants, sa famille, ses ministres, ses préjugés et ses fautes, sous prétexte qu’on lui a prêté serment ;

Retrouver tout à coup la liberté de ses allures, le sentiment de sa dignité… c’était une joie, c’était un triomphe pour tout le monde ; et l’on peut dire qu’excepté ces êtres malheureusement nés qui n’ont jamais su relever la tête, ces caractères rampants qui se sont fait une volupté de la servitude, tout ce qui vit en France par l’esprit et par le cœur, tout ce qui pense, tout ce qui crée, tout ce qui rêve, a salué avec enthousiasme l’aurore de la république idéale.

Et tout à coup l’enthousiasme s’est changé en crainte, le rêve d’or s’est terminé en cauchemar ; et les trembleurs désenchantés nous disent : — Votre bel espoir, hélas ! était une chimère, votre belle république est impossible !