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LETTRES PARISIENNES (1847).

mot isolé a un sens fatal ; mais, dans l’ensemble de l’ouvrage, il reprend sa véritable signification ; l’histoire a sa pudeur, veut dire l’histoire a sa dignité ; elle ne se fait pas l’écho des propos du temps ; elle raconte les faits, elle donne les preuves ; mais quand il n’y a ni faits ni preuves, elle doit garder un silence digne. Voilà, il nous semble, ce que signifie ce mot ; et comme, chaque fois qu’il est question de fautes reprochées à la reine, l’auteur se sert toujours, et avec indignation, du mot de calomnies, d’odieuses calomnies, il est certain que son intention n’est point d’outrager la reine, bien au contraire ; pour un artiste exercé, qui a l’instinct des grandes compositions historiques, dramatiques ou poétiques, il est évident déjà que c’est la reine qui est la grande figure de l’Histoire des Girondins, la victime bien-aimée de l’auteur, que c’est Marie-Antoinette qui est l’héroïne du poëme.

Mais les légitimistes ne sont pas des artistes, et ils ne sauraient pressentir ces habiletés de l’art ; quelques mots les blessent ; ils crient, et ils s’arrêtent pour crier. L’ensemble de l’œuvre, ils ne le voient pas, ils n’ont jamais su se placer à cette hauteur où l’on voit l’ensemble des choses, et c’est bien cela qui fait que ce triste parti, avec la plus belle, la plus noble de toutes les causes à défendre, est le plus pitoyable des partis ; individuellement, ils sont tous braves et loyaux, et, une fois réunis pour leur cause, ils ne savent plus que se cachotter et conspirailler. Leur mission est de professer les généreux préceptes de la chevalerie ; de faire respecter la religion, la royauté, la vérité, les femmes, la veuve et l’orphelin, et ce sont eux qui les premiers jettent la calomnie et l’outrage à ces choses saintes que leur devoir était de faire vénérer ; ainsi, dans le même moment, dans le même journal où ils reprochent avec tant d’amertume à l’auteur des Girondins d’avoir attaqué la royauté dans la personne de Marie-Antoinette, trois pages plus loin ils attaquent, eux autres, non par des réticences maladroites, par de fausses délicatesses de langage, mais avec une brute, lourde et sale cruauté, ils attaquent la jeune reine Isabelle, une enfant de seize ans au plus !… et leur injure est telle, que, par respect pour vous et pour nous-même, nous n’oserions pas vous la répéter… Et puis ils