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LE VICOMTE DE LAUNAY.

besoin, le devoir de les combattre. Aussi, à chaque page de ce livre, nous rêvons, troublé et charmé. Que c’est beau ! pensons-nous, quelle admirable lecture ! quel style ! quel bonheur dans ces expressions ! quelle ampleur dans cette phrase ! vivacité, coloris, verve, grâce, violence, fraîcheur, toutes les qualités sont là réunies ! Comme cet homme est bien largement doué, en favori ! Ah ! que c’est beau ! mais que d’événements vont naître de ce livre ! Je voudrais bien ne pas les voir ! Oh ! je voudrais mourir ! N’est-ce pas un effet étrange que cette admiration excessive qui vous fait souhaiter la mort ?

Sans doute, la révolution de 89 est une belle chose, une généreuse réforme ; mais, que voulez-vous ! nous n’aimons pas les révolutions. M. de Lamartine semble dire que si la révolution a été cruelle et imparfaite, c’est que malheureusement elle a été accomplie par les hommes. Eh bien, voyez comme nous sommes inintelligent et sottement borné : nous ne voudrions même pas non plus d’une révolution qui serait faite par des anges. Il y en a eu une autrefois, elle a produit l’enfer, et rien que cela suffit pour nous donner des préventions invincibles. On aura beau dire, les procédés révolutionnaires sont défectueux ; mais expliquez-nous comment il se peut que, dans un siècle aussi éclairé que le nôtre, dans un pays où l’industrie découvre des merveilles, on n’ait encore trouvé qu’un moyen de donner de l’argent aux pauvres, c’est de couper la tête aux riches ; le moyen est expéditif, mais, franchement, il n’est pas très-ingénieux. Il nous semble qu’en cherchant bien on pourrait trouver autre chose. M. de Lamartine parle des idées révolutionnaires comme un homme qui aurait découvert le secret de les appliquer, sans crimes, sans violences, sans orages. Dieu veuille qu’il ait raison, et que son livre soit le commencement de son entreprise !

Le parti légitimiste vocifère contre les Girondins ; pour nourrir sa fureur, il s’attache à quelques expressions, maladroites peut-être en ce qu’elles donnent lieu à diverses interprétations, mais expliquées, pendant tout le reste du récit, de la manière la plus favorable ; l’auteur, parlant des calomnies inventées contre la reine, s’arrête, et dit ces mots cruels comme toutes les réticences : « L’histoire a sa pudeur. » Ce