création du monde, de tous les plats que l’on a mangés, depuis le stoïque brouet de Sparte jusqu’au dernier mets inventé par Carême. Faut-il raconter une chasse ? il connaît tous les mots du Dictionnaire des chasseurs mieux qu’un grand veneur ; un duel ? il est plus savant que Grisier ; un accident de voiture ? il saura tous les termes du métier, comme Binder ou comme Baptiste. Quand les autres auteurs écrivent, ils sont arrêtés à chaque instant par un renseignement à chercher, une indication à demander, un doute, une absence de mémoire, un obstacle quelconque ; lui n’est jamais arrêté par rien ; de plus, l’habitude d’écrire pour la scène lui donne une grande agilité de composition. Il dessine une scène aussi vite que Scribe chiffonne une pièce. Joignez à cela un esprit étincelant, une gaieté, une verve intarissables, et vous comprendrez à merveille comment, avec de semblables ressources, un homme peut obtenir dans son travail une incroyable rapidité, sans jamais sacrifier l’habileté de sa construction, sans jamais nuire à la qualité et à la solidité de son œuvre.
Et c’est un pareil homme qu’on ose appeler un monsieur ! Mais un monsieur, c’est un inconnu, un homme qui n’a jamais écrit un bon livre, qui n’a jamais fait une belle action ni un beau discours, un homme que la France ignore, dont l’Europe n’a jamais entendu parler. Certes, M. Dumas est beaucoup moins un marquis que M. de Castellane, mais M. de Castellane est beaucoup plus un monsieur qu’Alexandre Dumas.
Maintenant, attaquons la Presse pour la façon peu courtoise dont elle a raconté la grande affaire Normanby. Blâmer ce qui se dit tout haut, c’est le droit des critiques et des publicistes ; mais révéler des secrets de situation, des intérêts de ménage, ce n’est plus de la discussion, c’est de la personnalité, et c’est toujours une maladresse que de rendre intéressants par ses attaques les gens dont on veut faire justice par ses épigrammes. Voulez-vous être fort dans votre blâme, maintenez-vous dans votre droit ; voulez-vous être cruel, soyez juste.
Le bal de l’ambassade d’Autriche était magnifique ; il était divisé par étages : il y avait tout un étage où l’on dansait et tout un étage où l’on mangeait ; il y avait des avenues de