sont si contents quand par hasard un homme d’esprit se fourvoie ; ces petits écrivains qui payent bien cher le libraire qui consent à les éditer sont si envieux des grands auteurs véritables que les éditeurs payent bien cher ; ceux qui se chauffent de leurs livres sont si malveillants pour ceux qui se nourrissent de leurs œuvres ! Fallait-il donc donner à tant de sots cette joie, de déclarer de belles pages une marchandise, et faire croire à tous ces Trissotins inconnus que leurs ouvrages sont littéraires parce que le commerce n’en veut pas ! On a trouvé M. Dumas bien orgueilleux, nous l’avons trouvé bien humble. Il parle de lui comme d’un fabricant. La prodigieuse quantité de ses volumes, c’est là seulement ce qui le rend fier. Il se pose comme un géant de parade qui écrit avec une plume de sept lieues.
Lui, le grand artiste, le poëte, l’historien de Gaule et France, l’auteur de Charles VII, de Christine et de Caligula, il s’oublie ; il n’admire plus en lui que la quantité et la rapidité ! de la qualité, il ne s’inquiète guère ; du soin qu’il apporte à écrire tous ses ouvrages, il ne vous dit rien ; et le public, qui entend ce géant extraordinaire vanter uniquement ses tours de force, parler sans cesse des poids énormes qu’il soulève, des barres de fer qu’il fait plier, des solives qu’il porte sur ses épaules sans fléchir, le public fait comme lui, il oublie l’artiste, et il n’aperçoit plus derrière cet être bizarre et fantastique qui lui jette de la poudre aux yeux, qui l’éblouit de faux prodiges, il n’aperçoit plus le prodige véritable, le génie puissant, le talent sérieux. N’est-ce pas qu’on est bien modeste de se poser en entrepreneur de feuilletons quand on est écrivain du premier ordre, et que nous avons bien raison de reprocher à Alexandre Dumas, malgré tout son orgueil, son étrange humilité ?
Toutefois, nous sommes juste et nous reconnaissons que, dans ses erreurs, M. Dumas a plus d’une bonne et belle excuse. Il a d’abord la fougue de son imagination, la fièvre de son sang naguère africain ; et puis il a une excuse que tout le monde n’a pas, il a le vertige de sa gloire. Nous voudrions bien vous voir, vous autres, gens raisonnables, au milieu du tourbillon qui l’emporte ; nous voudrions bien savoir quelle figure vous