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LETTRES PARISIENNES (1847).

Eh bien, mademoiselle Félicie a trouvé le secret de contenter également ces ambitions contraires et d’unir ces autorités rivales dans un commun patronage ! L’école mystérieuse trouve chez elle le vêtement frileux et pudique qui sied à son caractère : c’est un petit manteau de velours noir, bordé d’une passementerie modeste ; mais ce velours est magnifique ; mais cette modeste passementerie est d’un travail merveilleux ; et puis la coupe de ce manteau est du meilleur goût et trahit une main de maître ; une femme peut porter ce manteau à toute heure et quelle que soit la disposition de son esprit, joyeuse, triste, inquiète… L’avantage de la simplicité dans le beau, c’est d’être toujours convenable. Cachée par ce manteau, une femme peut aller partout, chez ses riches et chez ses pauvres. Voilà l’élégance qui nous plaît ; cette élégance hypocrite, à luxe faux, — bonhomme qui ne peut choquer que les envieux connaisseurs. Enfin, ce manteau est le véritable manteau d’une héroïne de roman.

L’école tapageuse trouve de même chez mademoiselle Félicie le manteau qui convient à ses entreprises : c’est de même un petit manteau de velours noir ; mais ce petit manteau est garni de… vous ne voudrez jamais nous croire… est garni de soixante-dix mètres de dentelles ! Oui, le problème est résolu : on fait tourner soixante-dix mètres de dentelles autour d’un seul vêtement !… Il ne faut pas oublier de vous dire que, dans plusieurs endroits ces dentelles ont un demi-mètre de hauteur. Vous comprenez qu’un si riche vêtement, ne convient que dans les jours de triomphe. Comment être triste sous ces cascades brodées ?… Vous figurez-vous, une femme jalouse s’agitant, s’indignant, et faisant voler de tous côtés ses dentelles en délire !… Avec une semblable parure, une femme peut être insolente, mais elle ne peut être digne. Oh ! ce manteau n’est pas celui d’une héroïne de roman, c’est un manteau de Célimène !… Avec une telle parure, on fait mille conquêtes, rien de plus.

Pour accompagner ce manteau, Célimène porte un chapeau d’ordre composite, de satin couvert de dentelle, orné de plumes et de nœuds de velours. L’école tapageuse affectionne madame Barennes, et elle a raison.