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LETTRES PARISIENNES (1840).

tation de l’ouvrage ; mais les auteurs, violettes impitoyables, prétendirent que ce n’était qu’un essai, qu’une plaisanterie sans importance, qu’ils ne comptaient pas donner à cette plaisanterie la moindre publicité, et ajoutèrent toutes sortes de phrases modestes qui n’avaient pas le sens commun. À quoi nous avons répondu : « Faites-nous entendre une seconde fois, à nous et à nos amis, votre opéra, et nous garderons le silence. Vous ne voulez pas ? eh bien, nous allons en faire l’analyse comme s’il avait été représenté sur un théâtre royal. Nous avons encore la délicatesse de taire vos noms aujourd’hui. Mais si dans trois jours vous persistez à refuser, nous serons sans pitié à notre tour, nous proclamerons votre nom, votre profession et votre demeure, qui n’est pas très-difficile à connaître et que vous cachez vainement. Nous nommerons vos chanteurs, ces hommes de finance qui tremblent que leur clientèle ne sache à quel point ils sont bons musiciens, ces administrateurs qui frémissent en songeant que leur chef de bureau peut découvrir qu’ils ont une admirable voix ; ces jeunes filles qui craignent d’être compromises si le monde apprend qu’elles chantent comme les anges du ciel ; ces magistrats prudents qui craignent de perdre leur réputation de gravité s’il est prouvé trop évidemment qu’ils chantent comme des rossignols : tous ces êtres timides qui cachent leur talent comme un crime ou un bienfait, nous les trahirons ; qu’ils y pensent… Nous attendons votre réponse. »

Cet opéra-buffa a pour titre l’Incendio di Babilonia ; ce qui a donné l’idée de ce titre, c’est qu’il n’y a dans cet opéra ni incendie, ni Babylone ; les auteurs de libretti, dans le choix de leurs titres, n’ont pas toujours d’aussi bonnes raisons. Le sujet en est très-simple, c’est celui de tous les opéras italiens. Une jeune princesse aime un jeune homme qu’elle n’épouse pas, elle épouse un cruel tyran qu’elle n’aime pas. Les noms des personnages expliquent seuls le drame : Ferocino, tyran de Syracuse (en effet, il n’y a guère de plaisir à être tyran que de Syracuse) ; Orlando, chevalier de Malte (de quoi serait-on chevalier, si ce n’était de Malte ?) ; Clorinda, princesse étrangère (c’est vague, mais c’est plus mystérieux). — Ferocino se promène dans une forêt en attendant Clorinda, qu’il doit