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LETTRES PARISIENNES (1845).

savoir quels jours reçoivent les ambassadeurs et les ministres. Il y a des gens qui ne vont nulle part, qui ne peuvent quitter le coin de leur feu, qui sont malades, goutteux, paralytiques, et qui veulent absolument connaître tous les jours de réception. Ils sont étendus sur leur chaise longue, ils gémissent ; mais si par moments ils cessent de gémir, ils disent : « Ah ! c’est aujourd’hui dimanche… On va ce soir à l’ambassade de Sardaigne. — Qui ? votre sœur, votre femme ? » — Non, ils ne connaissent personne qui doive y aller ; mais ils sont bien aises de savoir que toutes sortes de gens qu’ils n’ont jamais vus y seront. Abnégation touchante ! — Qui ose parler d’égoïsme après de tels exemples ?

Il y a encore une autre espèce de détails qui intéresse vivement les lecteurs badauds, c’est la description fidèle des habitations ; mais nous ne pouvons qu’approuver cette curiosité pleine de sagesse ; nous-même nous préparons en ce moment un travail profond sur cet important sujet ; le premier chapitre est intitulé : De l’influence des appartements sur les caractères, les ambitions et les destinées.

On nous fait un crime affreux de n’avoir point parlé d’une mémorable lecture faite chez madame la princesse de Canino, une tragédie de Lucien Bonaparte : les Enfants de Clotaire… remplie de vers à effet, lue parfaitement par M. Ed. Mennechet sous un magnifique tableau de Raphaël estimé cent mille francs ! C’était là un grand événement !… et personne ne nous pardonne de l’avoir oublié, pas même les gens qui ne savent pas trop ce que c’est que Raphaël et qui n’ont jamais su ce que c’était que Clotaire.

On nous reproche aussi beaucoup d’avoir négligé la dame aux sept petites chaises (steeple-chase). Eh ! vraiment, nous n’osions plus parler d’elle ; on est allé dire à trois ou quatre femmes très-aimables, qui ne méritent nullement cet outrage, que c’étaient elles que nous voulions peindre dans cette trop naïve personne… Comprenez-vous cela, qu’on aille dire effrontément à une femme : Cette sotte, c’est vous ; je vous ai tout de suite reconnue ! Voilà pourtant ce qu’on a fait. Nous étions résolu à ne plus penser à elle ; mais puisqu’on la regrette tant, nous vous dirons encore une naïveté qui lui est échappée.