Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/379

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
371
LETTRES PARISIENNES (1845).

différentes se font valoir l’une l’autre. Quel bonheur, après avoir subi les orageux amusements d’un salon tapageur, de retrouver tout à coup le repos et le silence dans le bienfaisant orgueil d’un salon majestueux ! Et quel bonheur aussi, après avoir trop longtemps langui dans ces solennités glaciales, de renaître tout à coup à la vie dans un salon animé, plein de mouvement et de bruit ! Vous voyez comment, avec les mêmes personnes et les mêmes plaisirs, il peut encore y avoir des variétés et des contrastes.

Depuis un mois, les fêtes se succèdent sans interruption.

C’est le charmant bal du prince Tuffiakin qui, cette année comme les années précédentes, a donné le signal à tous les autres. On le sait, ce bal est une revue : c’est là qu’on vient reconnaître les nouveaux combattants sous les armes, les nouvelles beautés sous les diamants ; c’est là que se décide tout leur avenir. « Regardez, s’écrie-t-on avec enthousiasme, jamais ce front pur n’a rayonné plus glorieusement ! — Hélas ! dit-on avec tristesse, voici une brillante étoile qui pâlit ! — De cette belle jeune femme tout Paris va parler cet hiver, mais de celle-ci bientôt on ne dira plus rien ! Le premier bal de la saison n’est pas le moins important pour les élégantes célèbres et pour celles qui aspirent à la célébrité. C’est là qu’on apparaît et que l’on reparaît aux regards des juges : les succès de l’hiver dépendent de ce premier jour ; le bal du prince Tuffiakin est pour les jolies femmes ce que la discussion de l’adresse est pour les ministres : celles qui ont triomphé dans cette séance mémorable triompheront et régneront dans les salons jusqu’à la fin de l’année ; ainsi ceux qui résistent à ce choc, toujours dangereux, se traîneront et vivoteront dans les Chambres jusqu’à la session prochaine. Cette phrase, pompeusement commencée, finit assez modestement ; mais c’est un effet de style : l’image doit toujours être en harmonie avec le sujet et la situation.

Et depuis ce premier bal on n’a pas cessé de danser un seul jour. Non-seulement il y a eu cette superbe fête à l’ambassade d’Autriche dont on vous a déjà parlé, les bals si élégants et si joyeux de la légation de Bavière, et d’autres réunions brillantes chez les riches étrangères établies à Paris ; mais il y a eu même