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LETTRES PARISIENNES (1844).

appuyer, ils vous tirent les cheveux et vous retiennent quand vous voulez vous lever ;

Elles ont un thé de comédie qu’elles ne servent pas ;

Du café de voyage ;

Des vins de fantaisie ;

Un maître d’hôtel familier qui vous tient des discours, qui vous donne des conseils ; qui vous dit, par exemple, ce qu’un domestique qui passait des plateaux dans un bal a dit un soir à un invité qui refusait des petits gâteaux : « Vous avez tort, ils sont excellents. »

Elles ont un valet de chambre bègue qui écorche tous les noms, qui vous confond avec des gens affreux que vous détestez, qui vous prépare toujours dans un salon une entrée ridicule ;

Elles ont des amis obscurs, envieux, ennuyeux, assommants ;

Elles ont des enfants insupportables, habillés en chiens savants !

Elles ont un mari mal peigné, qui les appelle devant tout le monde Bichette, Minette ou Mignonne !

Ceci est grave, c’est un trait de caractère : une femme est responsable des petits noms qu’elle se laisse donner. Une femme ne peut pas empêcher son mari d’être joueur, querelleur, dissipé, violent ; mais elle peut toujours l’empêcher de l’appeler Bichette, Minette ou Mignonne. Une femme qui tolère de pareils abus est une femme jugée ; il n’est pas besoin de la connaître pour savoir qu’elle est sans goût, sans poésie, sans caractère, sans délicatesse, sans dignité.

Eh bien, cette femme-là est peut-être fort belle ; qu’importe ?… Sa rivale, qui supprime de son entourage tout ce qui pourrait vous choquer, après avoir imaginé tout ce qui peut vous séduire, n’est-elle pas en réalité plus jolie ? S’il vous fallait choisir entre elles deux, hésiteriez-vous ? — Pas un moment. La femme volontairement belle l’emportera toujours sur la beauté paresseuse qui négligera, qui dédaignera imprudemment les accessoires de la séduction. Une ex-coquette disait un jour à sa fille, femme belle et charmante qui se complaisait dans son excessive pâleur : « Prends garde, ma chère enfant, les jeunes femmes qui ne mettent pas de rouge sont