Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
347
LETTRES PARISIENNES (1844).

constant ; enfin, elle vous attendrit par cette héroïque persévérance, et vous vous intéressez à elle et au succès de votre propre séduction comme on s’intéresse au succès de toute entreprise habilement conçue et courageusement menée…

Eh ! un scrupule nous arrête… Que de femmes laides, après avoir lu ceci, vont devenir tourmentantes !… Ah bien, tant pis… et même tant mieux !… — Fol orgueil ! elles ne nous ont pas attendu pour ça.

Les gens du grand monde parisien l’avouent avec franchise, la beauté charme moins leurs yeux que l’élégance ; plusieurs nous ont déclaré naïvement qu’ils préféraient cent fois une femme, non pas tout à fait laide, mais injolie, entourée de luxe et couverte de diamants, dans un appartement superbe, à une femme admirablement belle, couverte de haillons, dans un taudis. Il y a bien encore quelques jeunes originaux qui aiment ce qu’on appelle les belles femmes ; mais ils sont en petit nombre, et le mauvais goût de ces esprits faux ne fera jamais autorité.

Pour tous les vrais connaisseurs, la beauté sociale est la plus séduisante ; aussi voit-on, à Paris, beaucoup de femmes très-admirées, très-aimées et réellement très-aimables, dont la beauté se compose :

D’un joli bonnet ; ruban rose, reflet favorable ;

D’une charmante robe de soie, nuance amie, forme intelligente ;

D’un soulier virginal ;

D’un petit bracelet sans valeur, mais d’un style pur ;

D’une bague précieuse religieusement portée ;

D’un beau mouchoir brodé élégamment déplié ;

D’un gros bouquet de violettes sentant la violette ;

De douze camélias dans des jardinières de Chine ;

De deux rosiers tout en fleur dans un vase de craquelé ;

D’une coupe de vieux sèvres remplie de bonbons ;

D’une argenterie très-bien tenue ;

D’un thé chaque soir bien servi ;

D’un café musulman pur moka ;

D’un vin de Xérès véritable ;

De beaux chevaux parfaitement attelés ;