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LE VICOMTE DE LAUNAY.

Refrain : La lutte, c’est la vie ; sitôt que l’on a cessé de lutter, on a cessé d’exister.

Traduction libre de ce feuilleton sentencieux : Rien de nouveau à Paris.


LETTRE DIX-SEPTIÈME.

Le premier devoir d’une femme, c’est d’être jolie. — Manières différentes d’être jolie. — Des souliers qui ont l’air bête. — Des bouquets qui sentent le marécage. — Des vins de fantaisie. — Préservez-vous des philanthropes.
9 novembre 1844.

Nous avons déclaré l’autre jour que le premier devoir d’une mère est d’être impitoyable, et, à notre grand étonnement, on a paru goûter ce paradoxe : voyons comment on trouvera celui-ci.

Aujourd’hui, nous déclarons que le premier devoir d’une femme est d’être jolie.

Or, par ces mots, nous ne voulons pas dire que ce soit un devoir pour toutes les femmes d’avoir le profil athénien de mademoiselle Julia Grisi ou de madame la comtesse de Beau…, le regard sibyllin de madame Sand, ou le regard séraphique de madame la comtesse d’Hauss… ; la démarche impériale de madame la duchesse d’Ist…, la fraîcheur printanière de madame la princesse Gal… Non ; être belle ainsi, c’est un bonheur, c’est un malheur peut-être, mais cela ne saurait devenir une obligation ; nous n’exigeons pas dés perfections si grandes, nous sommes juste, nous sommes prudent aussi.

Mais on n’a pas besoin d’être jolie pour le paraître, et là seulement est le devoir ; car il y a deux espèces de beauté : la beauté involontaire et la beauté volontaire ; la beauté naturelle et la beauté sociale ; celle que Dieu a créée, celle que le monde a composée ; celle qu’on reçoit et celle qu’on prend.

Vous conviendrez donc qu’une femme est inexcusable quand elle ne sait point se parer d’une beauté qui lui est offerte, et s’approprier un trésor qu’elle peut toujours acquérir.

Cette beauté factice a un très-grand avantage sur la beauté native : c’est qu’elle est variée. La beauté sincère a généralement le malheur d’être monotone ; en fait d’esprit, on remarque