Ils ont conservé les petites vanités d’autrefois, ils ont adopté les grandes vénalités d’aujourd’hui.
Ils ont pris aux idées démocrates, non pas ce qu’elles ont de généreux, mais ce qu’elles ont d’économique.
Ils n’ont pas admis l’égalité dans les sentiments.
Ils l’ont admise dans les vêtements.
Ils ont laissé au parti démocrate ses beaux rêves humanitaires, ses chères utopies de travaux abondants, de secours mutuels, de sympathie et d’amour… Pour l’aider à les réaliser, ils ne lui ont offert ni leurs terres, ni leurs châteaux… mais ils ont pris ses guêtres et son paletot.
Ils ont conservé leur morgue, ils n’ont supprimé que leur grandeur ; ils sont aussi mal mis que leur portier qui les appelle M. le duc : c’est ainsi qu’ils comprennent l’égalité ; ils vont chez Mabille danser en face de leurs valets de pied, qu’ils surpassent en grossièreté et en impudence : c’est ainsi qu’ils soutiennent leur rang.
Ah ! si tous faisaient ce que quelques-uns d’entre eux savent faire, si à la magnificence des idées d’autrefois ils savaient unir la libéralité des idées d’aujourd’hui, leur cause serait encore belle, et ils pourraient encore donner des leçons de générosité et d’héroïsme aux orgueilleux protecteurs du peuple émancipé.
Mais l’éducation qu’ils reçoivent est si tendre, mais le caractère qu’on leur fait est si doux, qu’ils ne seront jamais assez forts pour lutter contre un ennemi aguerri dès l’enfance dans les plus rudes travaux.
Aussi nous, qui nous préoccupons plus de l’avenir que du présent, ce sont les classes supérieures que nous appelons les classes indigentes, parce que la vie se retire d’elles, parce qu’elles perdent chaque jour de leur énergie et de leur valeur. La véritable indigence n’est pas de manquer d’argent : l’argent s’acquiert par le travail ; c’est de manquer de courage, c’est de manquer d’intelligence. Avec cette espèce de misère-là on arrive bien vite au dénûment absolu. Vous dites : Voilà les heureux du jour ; nous disons : Voilà les victimes du siècle ; vous criez avec colère : Les oisifs ! nous crions avec pitié : Les mourants ! — Ô philosophe ! l’agonie est une oisiveté cruelle !