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LE VICOMTE DE LAUNAY.

d’un mois ; on parle toujours d’un voyage de plaisir avec une sorte d’amertume : « Les Geslin vont en Suisse, dites-vous. — Ils sont donc bien riches ? reprend aussitôt une voix aigre. — Madame Fournier va aux bains de Dieppe avec sa fille. — La petite en a bon besoin, dit une voix malveillante, elle jaunit bien !… » C’est ainsi que nos meilleurs amis accueillent nos plus aimables projets. Il faut croire que ce n’est pas aussi amusant de s’ennuyer que le prétendent les puritains et les puritaines, qui professent une majestueuse morosité. Si l’ennui avait pour eux tant de charmes, ils seraient moins jaloux des gens qui s’amusent. Leur envie est un aveu ; qu’ils s’en défient et qu’ils la cachent, pour qu’on puisse au moins écouter sans sourire leurs pompeux discours sur la glorification de l’ennui.

Pour nous, qui aimons sincèrement le calme de la retraite, nous ne déconsidérons point ses douceurs en enviant les brillants plaisirs des voyages à la mode. Nous cherchons le repos et le silence, mais nous comprenons à merveille que l’on cherche le mouvement et le bruit. Nous ne nous fâchons nullement quand on nous raconte de belles fêtes ; on nous parlait hier d’un grand opéra représenté au château de Dangu ayant pour titre : Catherine de Clèves, œuvre composée exprès pour cette solennité par un artiste déjà célèbre, M. Véra, et chantée par des amateurs distingués. On vantait la magnificence de cette représentation, ce beau château tout peuplé de dandys et de jolies femmes ; on s’étonnait de ce luxe merveilleux : tous les jours cent personnes à table ; on s’inquiétait de ce train, royal, on ajoutait que ces splendeurs n’étaient pas en harmonie avec notre époque Raison de plus pour les encourager, disions-nous. Le grand mal que des gens riches soient magnifiques et qu’il y ait encore, dans notre France bourgeoise et marchande, un château où l’élégance et les arts trouvent un dernier asile !