il faut le dire aussi, il y a dans le monde des personnes qui sont douées de cette fatale propriété d’arrêter subitement la circulation des idées, comme le poison arrête la circulation du sang ; les uns possèdent cette propriété de nature, continuellement et sans alternatives ; d’autres ne la possèdent que par circonstance ; une contrariété mal dissimulée, une préoccupation trop puissante les fait passer à l’état de poison malgré eux ; et les voilà par accident jetant la froideur et le trouble dans un salon où la veille ils avaient jeté la vie et la gaieté. Eh bien, tous ces esprits pesants, ces oisifs d’idées, qui encombraient la conversation, les clubs les ont absorbés ; ils ont donné asile aux ennuyeux de tout le monde, aux ennuyeux et aux ennuyés ! Ce sont des temples hospitaliers ouverts aux infirmes, aux affligés de toutes les sociétés dont ils attristaient la vue ; les clubs sont les hospices des importuns, ils accueillent tous ceux qu’on repousse, ils appellent tous ceux qu’on fuit :
Les maris de mauvaise humeur ;
Les joueurs de mauvaise compagnie ;
Les pères ronfleurs ;
Les oncles rumineurs ;
Les tuteurs sermonneurs ;
Les gens qui n’entendent pas bien ;
Ceux qui parlent mal ;
Ceux qui ne comprennent rien ;
Les ultra-étrangers dont l’élocution est par trop laborieuse. On peut causer très-agréablement avec un Allemand qui vous dit : Ponchour ; mais avec un entêté qui, après trois ans d’habitude parisienne, persiste à vous dire : Pinchir, il est impossible de jamais s’entendre. Vite un club pour ces étrangers-là !…
Tous les hommes qui ont un mécompte à dissimuler ;
Ceux qui ont appris le matin une mauvaise nouvelle ;
Ceux qui ont fait dans la journée une fâcheuse découverte ;
Ceux qui viennent de rencontrer un créancier ;
Ceux qui viennent de manquer une héritière ;
Ceux qui commencent à soupçonner un tiers dans leurs amours ;
Ceux qui pressentent un invalide dans leurs écuries ;