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LETTRES PARISIENNES (1844).

pour ses inventions ingénieuses. Il expose en même temps ses chefs-d’œuvre aux regards curieux et aux quatre vents, et il se dit le roi des animaux ! Les animaux, ses sujets, savent du moins se choisir un asile : le lion se couche dans un antre où il ne pleut pas, l’ours se trouve une tanière imperméable, le renard se creuse un terrier confortable ; il y a enfin des animaux célèbres qui se construisent à eux-mêmes une solide demeure. Ah !… les chapeaux de castor qui sont à l’Exposition ont dû bien rire !

Et la soirée littéraire que nous allions oublier ! Voici comment elle a eu lieu : on a réuni dans un salon une vingtaine de gens d’esprit, on les a fait jouer jusqu’à cinq heures du matin au lansquenet… On appelle cela une soirée littéraire !


LETTRE TREIZIÈME.

Les salons de Paris : salons diplomatiques, salons politiques, salons poétiques, fantastiques. — Les clubs, leurs avantages. — Ils absorbent les ennuyeux, — Vivent les clubs ! — Esprit de conversation. — Système de madame Campan. — La duchesse de Saint-Leu, son élève.
22 juin 1844.

Enfin, Paris a cessé d’être brillant ; c’est heureux ! Quelques départs, un deuil généralement porté, lui ont rendu cette douce mélancolie qui lui sied si bien à nos yeux. Quand il fait le superbe, nous l’admirons, mais nous ne l’aimons pas. Ses plaisirs bruyants sont peu dans nos goûts ; les belles fêtes, pour nous, sont des devoirs plutôt que des récréations. Ce qui nous plaît, ce sont les réunions intimes ; les grands salons ouverts pour tout le monde nous séduisent moins que les petits salons entr’ouverts pour quelques amis. Nous préférons à tout l’éclat des lustres la modeste lueur des lampes ; il est bien difficile d’être tout à fait sans prétentions dans un salon pompeux, éblouissant de lumière, et cela nous ennuie d’avoir des prétentions ; les jours que nous aimons sont ceux où l’on est rassemblés sans projet et où l’on cause sans façon. Si vous saviez comme nos hommes supérieurs sont aimables lorsqu’ils daignent causer ainsi, vous ne proclameriez plus que l’art de la