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LETTRES PARISIENNES (1844).

parfum inconnu, mélange de tous les parfums, harmonie odorante formée de tous les soupirs divins ; et venez voir dans une des salles du Luxembourg les prodiges que les arts peuvent accomplir quand la charité les inspire. Là sont exposés les ouvrages offerts pour la loterie qui doit être tirée au profit de l’œuvre du Mont-Carmel. Il s’agit de relever cet hospice célèbre dans notre histoire guerrière. Le pieux édifice est déjà reconstruit à moitié, déjà il a pu donner asile à de glorieux pèlerins ; mais de nombreux travaux restent encore à exécuter, et la France seule peut venir en aide aux pauvres religieux dans leur courageuse entreprise. Ce n’est pas en vain que les peuples malheureux s’adressent à elle ; car, ainsi que le dit M. Adolphe Dumas dans une notice fort bien faite sur la réédification de l’hospice du Mont-Carmel : « Toutes les fois que quelqu’un souffre dans le monde, il se tourne du côté de la France. Rome avait des empires dans sa clientèle ; nous, nous avons les instincts des peuples. Ils disent tous : Si la France le savait ! comme on disait autrefois du roi. » Et ils ont raison de se tourner vers nous, ces peuples en détresse. On aura beau nous rendre industriels, matériels et constitutionnels, il y aura toujours parmi nous de grands artistes et de grands poëtes, qui sauront conserver dans leur langage sacré aux nobles dévouements leurs véritables noms ; qui se transmettront d’âge en âge, comme des traditions saintes, le respect pour les croyances enthousiastes que les philosophes appellent déjà préjugés ; la sympathie pour les héroïques sacrifices que les égoïstes ont toujours appelée démence.

Il est arrivé depuis quelques jours une nouvelle espèce de provinciaux. Ceux-là sont d’une audace prodigieuse, ils ont un aplomb effrayant ; ils n’ont rien vu et ils connaissent tout ; les récits de leurs devanciers leur ont tout appris. Ils viennent à Paris pour la première fois, ils sont déjà blasés sur les beautés de Paris ; à force d’avoir écouté les louanges enthousiastes et même exagérées que leurs amis et leurs parents prodiguent à la capitale, ils l’ont prise en grippe et viennent la visiter en nourrissant contre elle toutes sortes de préventions ridicules nées probablement de quelques exaltations ridicules. Ils nous traitent fort cavalièrement ; leur langage est une ironie