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LE VICOMTE DE LAUNAY.

haïr, il s’attache à vos pas, il s’attache à vos pieds surtout et il les arrose d’une onde perfide en formant des cercles bizarres ; parfois il s’anime, et ses circonvolutions venant à s’élever, il arrose les pans de votre habit, monsieur, et les falbalas de votre robe, madame ; parfois il s’arrête aussi, et sur ce sol inégal, des lacs imprévus se forment et répandent autour de vous une agréable fraîcheur. La délicieuse harmonie qui vous accueillit à votre arrivée ne vous a pas abandonné un seul instant ; elle vous reconduit avec les mêmes concerts : le piano imitant la harpe, la harpe imitant la guitare, la guitare imitant le tambourin, la flûte imitant le hautbois, le hautbois imitant la flûte, et tous imitant la musette !… Telles sont à peu près les impressions que nous avons éprouvées lundi dernier au palais de l’Industrie. De plus, ce jour-là il y avait foule : c’était un jour réservé. Défiez-vous des billets de faveur dans ce siècle d’égalité ! Chacun en veut, chacun y a droit. En effet, qu’est-ce que l’égalité ? c’est la faveur universelle. Trente-quatre millions d’êtres privilégiés, ce n’est pas trop, mais c’est beaucoup. Dorénavant, nous irons là les jours où tout le monde peut y entrer ; ces jours-là il n’y a personne ; alors nous admirerons à notre aise ces merveilles nationales dont nous rions un peu aujourd’hui, mais dont nous sentons déjà que nous serons très-fier demain.

Cette semaine, on ne nous accusera point de paresse : depuis huit jours nous courons la ville comme un nouvel arrivé de Senlis ou de Philadelphie. Samedi nous étions au bal ; c’était le soir, on dansait à l’ambassade d’Autriche.

Dimanche nous avons dû aller aux courses de Versailles. Quand les fêtes ont lieu un peu loin, nous nous bornons au projet d’y assister : c’est déjà assez fatigant.

Lundi matin, visite au palais de l’Industrie.

Et mardi nous étions de noce ; nous assistions au pompeux mariage de mademoiselle de Ségur avec M. le duc de Lesparre. Oh ! la superbe noce ! que tout ce personnel était bien choisi ! La mariée était belle, le marié était beau ; sa mère était belle, son père était beau ; ses sœurs étaient belles, son frère était beau ; ses cousines étaient belles, ses oncles étaient beaux ! Il est impossible d’avoir des parents plus avantageux. De beaux