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LE VICOMTE DE LAUNAY.

Louis XV était originale et coquette, elle convenait également aux jeunes gens et aux vieillards, et puis elle était parfumée… ce qui est une corruption sans doute, nous nous hâtons d’en convenir, mais une bien agréable corruption.

Maintenant examinez la perruque constitutionnelle… dites, est-il rien de plus piteux, de plus terne, de plus misérable ? Pourquoi cette pauvreté, cette laideur ? Pour imiter la nature. Eh ! quand la nature est ainsi, elle demande à n’être pas imitée ! Et cette affreuse coiffure se paye un prix exorbitant, se commande avec le plus grand soin ; on fait venir un artiste habile ; car il faut encore beaucoup de talent pour confectionner ce bonnet chevelu, et l’on combine avec cet artiste les effets les plus pauvres et les plus désolés ; on calcule tous ses désastres : « Ceci est trop jeune pour moi, ne mettez pas tant de cheveux noirs. — Ah ! monsieur, dans la perruque du comte *** j’en ai mis bien davantage. — Le comte *** est un vieux fou, je n’ai pas envie de lui ressembler. » Et l’on commande une perruque encore plus ravagée ; on exige des cheveux jaunes, la neige des ans étant assez difficile à conserver dans les cheveux travaillés ; on y mêle quelques cheveux gris, quelques brins fauves, et quand cette combinaison odieuse a acquis une laideur probable, on l’applique solidement sur sa tête et l’on s’en va content ; on est affreux, mais on se croit sincère ; dans les pays constitutionnels, on prend le mensonge laid pour la vérité. Pourquoi les hommes graves n’adopteraient-ils pas, comme au temps de Louis XIII, une coiffure noble et simple qu’ils garderaient toujours ? Ah ! c’est qu’ils ne pourraient plus mettre dessus leur magnifique chapeau tromblon ! Il faudrait supprimer cet ornement si riche, si gracieux et si commode ! Ce serait dommage ; n’y pensons plus.

Après avoir contemplé la perruque béante, vous traversez d’un pas rêveur la galerie des machines ; là, vous marchez de surprise en surprise. Une petite machine est mise en mouvement, elle ne fait pas grand bruit, elle s’agite peu, elle est douce et bonne ; que fait-elle ? Elle rabote le fer comme on rabote le bois, ou comme un couteau rabote le savon, sans effort, sans tapage, avec une violence sournoise dont vous restez épouvanté !